JavaScript is required

Le 80e D-Day, et après ? Pour Jean Quétier, « il faudra se rapprocher des cimetières »

Un article rédigé par Bénédicte Buisson - RCF Calvados-Manche, le 18 décembre 2024 - Modifié le 20 décembre 2024
L'invité de la semaineLe 80e D-Day, et après ? Entretien avec Jean Quétier

Alors que l’année du 80e anniversaire du Débarquement se termine, rencontre avec Jean Quétier, le président du Comité du Débarquement. Il revient pour nous sur la transmission de la mémoire dans les années à venir.
 

 

En 2021, Jean Quétier est devenu le premier président manchois du Comité du Débarquement ©RCF MancheEn 2021, Jean Quétier est devenu le premier président manchois du Comité du Débarquement ©RCF Manche

Jean Quétier est, depuis 2021, le président du Comité du Débarquement, l’institution chargée d’organiser les commémorations du Débarquement et de la Bataille de Normandie.

RCF : Puisque les vétérans sont désormais un tout petit nombre, ne réalise-t-on pas davantage l’importance d’écouter les derniers témoins civils de l’époque, ceux qui étaient enfants à cette époque-là ?

Jean Quétier : Oui, il faut absolument les entendre. J’ai été marqué par le témoignage de Monique Morin qui était collégienne à Saint-Lô au moment du Débarquement. Elle nous interpelle sur la manière de commémorer. Elle nous dit : « Je ne peux pas suivre une reconstitution de l’exode, parce que ce n’est pas ça l’exode. On n’est pas en costume du dimanche, on ne défile pas gentiment. On était dans le dénuement. On mettait dans les charrettes ceux qui ne pouvaient plus marcher. On marchait pour sauver nos vies ». Ces témoignages-là, il faut absolument les entendre pour ne pas faire n’importe quoi sur ce terrain mémoriel.

RCF : Sans les témoins de l’époque, comment voyez-vous l’avenir des commémorations ?

Jean Quétier : On a coutume de répartir la mémoire sur des périodes de 40 années. Il y a le temps des pierres, 1944-1984, on construit des lieux de mémoire. Après le temps des pierres, il y a le temps des témoins, 1984-2024. Je ne sais pas comment nommer la période qui s’ouvre devant nous. 2024-2064, période où les témoins de l’époque ne seront plus là pour nous dire les choses.

Il faut garder des portes d’entrée de la mémoire : les cimetières, les dates, les démarches artistiques...

Pourquoi a-t-on besoin de commémorer ces événements-là ? À cause de leur coût humain. Si on veut mesurer ce coût humain, lorsque les vétérans ne seront plus là, il faudra se rapprocher des cimetières. Celui de Colleville, les cimetières allemands de la Cambe ou d’Orglandes. Il faut entrer dans ces cimetières, inviter les jeunes à les parcourir. Dans ces cimetières, on mesure que ce sont des individus qui sont là et dont la vie a été enlevée. Se rapprocher des nécropoles, c’est capital pour la suite.

RCF : Certaines reconstitutions interpellent. Il y a une crainte de voir le spectacle et l’aspect commercial prendre le dessus sur la mémoire. Quelles sont les limites à fixer et à quoi réfléchit le Comité du débarquement pour ne pas faire de la guerre un spectacle ?

Jean Quétier : On essaye déjà de donner ce cadre par une charte signée par le président de la région, le préfet du Calvados, le préfet de la Manche et moi-même. On demande aux maires de la faire signer par les reconstitueurs. Elle rappelle la loi française qui fixe des limites. Par exemple, lorsqu’on est un reconstitueur on n’est pas un militaire, on ne salue pas. Je crois d’ailleurs qu’il y a une évolution favorable. Beaucoup sont attentifs à cette déontologie. Il y a 20, ou 30 ans, c’était moins vrai. Je me rappelle avoir vu à Sainte-Mère-Église des faisceaux d’armes sur la place, ce n’était pas tolérable. Quant au spectacle, s’il est bien fait, s’il s’adresse à votre émotion, il ne faut pas le rejeter. Le théâtre, le cinéma, c’est un spectacle. Donc les spectacles oui, mais pas n’importe lesquels, on ne joue pas à la guerre.

Ici on restaureLe manoir des marais : un patrimoine utilisé pour une reconstitution historique

RCF : Parmi les nombreux événements qui ont eu lieu cette année pour le 80e, vous avez été marqué par les initiatives qui faisaient participer des jeunes et des enfants, pourquoi ? 

Jean Quétier : La mémoire d’un peuple, c’est comme la mémoire d’une famille. Dans une famille, on s’intéresse à l’histoire de ses grands-parents, on cherche ce qu’il s’est passé et on a besoin de cela pour comprendre sa propre histoire. Pour un peuple, c’est la même chose. On a besoin d’aller s’inscrire dans l’histoire de ceux qui nous ont amenés jusque-là. Oui, la mémoire va continuer à s’exprimer.  

Écoutez l'interview de Jean Quétier dans son intégralité

L'invité de la semaine
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
L'invité de la semaine
L'invité de la semaine
Cet article vous a plu ?
partager le lien ...
Qui sommes-nous ?

RCF est créée en 1982, à l'initiative de l'archevêque de Lyon, Monseigneur Decourtray, et du Père Emmanuel Payen. Dès l'origine, RCF porte l'ambition de diffuser un message d'espérance et de proposer au plus grand nombre une lecture chrétienne de la société et de l'actualité.

Forte de 600.000 auditeurs chaque jour, RCF compte désormais 64 radios locales et 270 fréquences en France et en Belgique. Ces 64 radios associatives reconnues d'intérêt général vivent essentiellement des dons de leurs auditeurs.

Information, culture, spiritualité, vie quotidienne : RCF propose un programme grand public, généraliste, de proximité.Le réseau RCF compte 300 salariés et 3.000 bénévoles.

RCF
toujours dans
ma poche !
Téléchargez l'app RCF
Google PlayApp Store
logo RCFv2.14.0 (21796db) - ©2024 RCF Radio. Tous droits réservés. Images non libres de droits.