Cet été, deux hommes nous ont quittés. Ils sont tous les deux morts en montagne. Le premier, c'est Godefroy Raguenet de Saint Albin, père abbé de l'abbaye d'Acey, mort le 3 août dans les montagnes suisses. Le second, c'est Jean-Louis Georgelin, ancien chef d'état-major des armées, mort le 18 août, dans les montagnes de l'Ariège.
Quel lien entre ces deux hommes ? Le premier avait fait navale, le second Saint Cyr. Le premier, Godefroy, avait été commando de marine et avait rejoint la vie monastique, attiré par l'exemple de Tibbhirine, et devint cistercien. Le second, Jean-Louis, avait été fantassin, et il était devenu oblat bénédictin, tout en poursuivant sa vie de Général, dans le monde jusqu'au chantier de la reconstruction de ND.
Le premier avait choisi le célibat pour le Royaume, comme on le lit dans l'Evangile. Le second vivait le célibat pour le République, si l'on peut dire, toute sa vie n'ayant eu de sens que dans le service de l'Etat.
Tout les rassemble donc ? Non. Le premier, issu d'une famille aristocratique, accepta de s'immerger dans la pauvreté de la vie trappiste. Le second, issu d'un milieu plus modeste était devenu le grand chancelier de la Légion d'honneur.
Les proches du premier le disaient taiseux, amoureux du silence. Les proches du second disaient de lui qu'il avait une gueule, une grande gueule même, au sens noble du terme. Il organisait des "gueuloirs" pour tester ses discours ! Le premier avait une aussi humble idée de la vie de moine que le second avait une idée haute du métier d'officier.
On ne peut pas imaginer plus différents ! On peut pourtant dire qu'ils ont tous les deux entendu l'appel que Saint François reçu au seuil de sa vocation : "va et rebâtis mon Eglise". Godefroy Raguenet de Saint Albin fut ainsi appelé à intégrer une petite communauté, dans le jura, pour lui donner un peu de vie, devenir père abbé d'une trappe qui dégringolait ! Jean-Louis Georgelin, retraité, fut appelé par le Président Macron, à la suggestion de François Sureau, à conduire l'immense et "impossible" restauration de Notre Dame de Paris, dont la flèche effondrée… avait effondré le moral des français.
Ces deux-là sont partis. Godefroy avait dit un jour à La Croix : "Comme nageurs de combat, nous intervenions souvent de nuit, et toujours en binômes - on ne plonge jamais seul - reliés par une ligne de vie. Vous ne le voyez pas mais vous savez que l'autre est là, présent dans l'obscurité. Il faut apprendre à croire à cette présence dans la nuit." Voilà quelques lignes de vie qui les unissent, jusque dans leur mort.
Il nous faut apprendre à croire que vous restez là tous les deux, Mon Père, Mon Général, présents dans l'obscurité et la lumière de nos reconstructions.
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