Pédocriminalité dans l'Église : l'ancien prêtre Bernard Preynat est mort

Un article rédigé par Jean-Baptiste Cocagne - RCF, le 24 juin 2024 - Modifié le 25 juin 2024

Condamné à cinq ans de prison ferme en 2020 pour de multiples agressions sexuelles sur de jeunes scouts, l'ancien prêtre Bernard Preynat est mort à son domicile ce dimanche 23 juin, quelques semaines après avoir bénéficié d'une liberté conditionnelle.

Bernard Preynat lors de son procès en janvier 2020 © RCF LyonBernard Preynat lors de son procès en janvier 2020 © RCF Lyon

Condamné à cinq ans de prison ferme par le tribunal judiciaire de Lyon en mars 2020, Bernard Preynat aura finalement passé moins de trois ans derrière les barreaux. L'ancien prêtre du diocèse de Lyon avait été reconnu coupable de multiples agressions sexuelles sur mineurs, notamment quand il était responsable d'un groupe scout à Sainte-Foy-lès-Lyon entre 1986 et 1991, d'autres faits étant prescrits. Il avait finalement renoncé à faire appel de sa condamnation.

Incarcéré près de deux ans après son procès, le 17 novembre 2021, Bernard Preynat a bénéficié d'une liberté conditionnelle ces dernières semaines, lui permettant de revenir à son domicile dans la Loire, où il est décédé. 

Mes émotions ne sont pas sur le décès de l’homme [Bernard Preynat], mais plutôt sur la défaillance de l’institution [l'Église]

À l'annonce de sa mort, François Devaux, victime de Bernard Preynat et ancien président de l'association "La Parole libérée" - aujourd'hui dissoute - a réagi : "Je n’ai ni colère, ni haine, ni joie, ni peine. Mes émotions ne sont pas sur le décès de l’homme [Bernard Preynat], mais plutôt sur la défaillance de l’institution [l'Église] qui ne répond pas à ce qui me semble être une obligation toute première, celle de protéger ses enfants." L'ancien militant associatif reconnaît que le peuple catholique, la République et le droit sur la protection des mineurs ont considérablement évolué et salue également l'œuvre de la presse catholique pour mettre la vérité au grand jour. Mais il déplore dans le même temps l'inaction de l'Église : "L’institution Église, à ma connaissance, n’a pas appliqué une seule des recommandations de la CIASE de façon satisfaisante. On n’y est pas, on n’y est pas du tout. "

Au moment de son procès, l'association "La Parole libérée" avait estimé le nombre de victimes potentielles de Bernard Preynat à plus de 80, sur une période s'étalant sur vingt ans, entre 1971 et 1991. Dix victimes s'étaient constituées parties civiles au procès de l'ancien aumônier scout en janvier 2020. 

Le journal local · RCF LyonRemise rapport Ciase - Devaux 1/2

Bernard Preynat avait été ordonné prêtre en 1971 pour le diocèse de Lyon. Charismatique, il avait trompé la confiance de nombreuses familles de paroissiens. En 1991, ses agissements, dénoncés par plusieurs personnes, avaient conduit le diocèse de Lyon, à l'époque dirigé par le cardinal Albert Decourtray, à écarter le prêtre loin de Lyon.

Bernard Preynat avait d'abord été nommé dans le Roannais (Neulise), puis le Beaujolais Vert (Cours-la-Ville), avant un retour dans le Roannais en 2011. Début 2015, année du premier dépôt de plainte des victimes, Bernard Preynat était toujours prêtre, curé de la paroisse Sainte-Claire-entre-Loire-et-Rhins, au Coteau (Loire).

À son procès, Bernard Preynat avait reconnu les faits tout en les minimisant :

Même si je savais que c'était répréhensible et interdit, je ne me rendais pas compte à l'époque de la gravité de mes actes. Pour moi, il s'agissait de gestes de tendresse dans lesquels je prenais un certain plaisir. C'est la réaction des parents qui m'a fait prendre conscience de la gravité des faits. 

Avant son procès civil, il avait été renvoyé de l'état clérical par le tribunal ecclésiastique de Lyon en juillet 2019

Une libération de la parole aux conséquences multiples

À partir de la fin de l'année 2015, plusieurs décennies après les faits, la mobilisation et les témoignages des victimes du prêtre, lyonnaises pour la plupart, avait conduit à une forte médiatisation de l'affaire Preynat et un début de libération générale de la parole des victimes d'agressions sexuelles et viols commis au sein de l'Eglise.

Indirectement, la révélation de l'affaire Preynat a été l'une des causes de la création de la CIASE (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église) en février 2019, présidée par Jean-Marc Sauvé. Au niveau du diocèse de Lyon, l'une des conséquences directes de l'affaire Preynat a été le départ de l'archevêque Mgr Philippe Barbarin, en poste au moment de la libération de la parole des victimes. 

Parallèlement aux plaintes visant Bernard Preynat, Mgr Philippe Barbarin a été cité à comparaître devant la justice pour non-dénonciation d'agressions sexuelles sur mineurs. Les deux procès de Mgr Barbarin devant le tribunal judiciaire de Lyon se sont tenus avant même celui en première instance de Bernard Preynat. Le cardinal lyonnais avait finalement été relaxé en appel en janvier 2020, après une condamnation en première instance.

En mars 2019, Mgr Philippe Barbarin avait annoncé sa mise en retrait de sa mission d'archevêque de Lyon, avant de quitter définitivement le diocèse de Lyon à l'été 2020 pour rejoindre la maison généralice des Petites sœurs des pauvres à Saint-Pern, près de Rennes.

Le retour de Mgr Barbarin sur l'affaire Preynat :

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