Propulsé par le contexte inflationniste, le mot anglais "shrinkflation" a fait son entrée dans notre vocabulaire depuis plusieurs semaines. Cette pratique utilisée par les industriels de l'agroalimentaire pour dissimuler une hausse de prix est dans le viseur du gouvernement, et au cœur d'opérations de communications dans certaines chaînes de distribution.
Enlever quelques grammes ou quelques centilitres dans le même emballage, tout en maintenant le même prix, tel est l’objectif de la shrinkflation. Possible depuis 2009, et la transposition dans le droit français d’une disposition européenne autorisant les agroindustriels à choisir leurs propres conditionnements, cette pratique est davantage utilisée en période d’inflation. « Avant c’était plutôt pour dissimuler une hausse de tarif, maintenant c’est plutôt pour la diminuer », constate Grégory Caret, directeur de l’Observatoire de la conservation à l’UFC Que Choisir.
Face à ces pratiques, la grande distribution veut agir. En août, Intermarché avait placardé une affiche dénonçant l’augmentation d’un paquet de pommes rissolées surgelées. Suivi par Carrefour le 11 septembre qui a annoncé le lancement d’une opération dans ses 4.400 points de vente. Mais cette opération est marginale car elle ne concerne que 26 produits parmi lesquels des chocolats Lindt, neuf glaces de marques différentes, des capsules à café Dolce Gusto ou encore deux paquets de chips Lays…
Une liste courte qui explique que beaucoup de clients passent à côté. « Informer les consommateurs, je trouve ça très bien, mais là je n’ai pas encore vu ces affiches. Ça se noie avec toutes les promotions qu’ils font habituellement, du coup les consommateurs sont perdus », estime François, 47 ans. Comme lui, tous les clients rencontrés à la sortie d’un magasin de la chaîne, affirment faire attention au prix au kilo et ne pas être dupes face à la pratique de la shrinkflation.
Pour Olivier Dauvers, journaliste spécialiste du commerce, ce n’est « qu’une opération de communication pour apparaître comme une enseigne qui défend les consommateurs ». Il pointe « l’hypocrisie » de la grande distribution, qui « a accepté pendant des années de référencer des produits malgré la shrinkflation qu’il y avait déjà, et qui le pratique aussi parfois sur leur marque-distributeur, sont hypocrites en le dénonçant aujourd’hui ».
Et cette opération a des limites, car si elle est immorale, la shrinkflation n’a rien d’illégal. « Rien n’empêche de le faire dès lors que la marque met la bonne contenance sur le packaging », explique Olivier Dauvers. Ce qui explique que Carrefour n’ait identifié que 26 produits à cette date. Et si la liste est susceptible d’évoluer, l’enseigne doit tout de même prendre ses précautions avant de pointer du doigt un produit, sous peine de répercussions juridiques.
Bruno Le Maire a annoncé qu’un texte de loi sera présenté début octobre avec une « disposition qui obligera les industriels à faire figurer de manière très visible la réduction de contenu quand ils gardent le même packaging ». La députée LFI Mathilde Panot veut aller encore plus loin. Elle propose d’interdire totalement cette pratique. Mais c’est impossible, selon le journaliste Olivier Dauvers : « la pratique de la shrinkflation ne peut pas interdite dès lors qu’elle n’est pas illégale. Ce qui le serait c’est si la marque annonce 300 grammes de biscuits dans son paquet et qu’il n’y en a que 250 […] Si on se met à interdire ça, on ne pourra plus avoir différents formats. Ça veut dire qu’on va figer pour toujours la taille des produits alimentaires », détaille-t-il.
Quant à l’association UFC Que Choisir, ces propositions sont selon elle un moyen de « détourner l’attention de la vraie problématique », à savoir l’envolée des prix alimentaires. Elle demande au gouvernement d’agir pour leur baisse.
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