Deux jours après la démission du Premier ministre Ariel Henry, un semblant de calme est de retour en Haïti. Désormais, les États des Caraïbes, réunis en urgence avec des représentants de l’ONU depuis lundi 11 mars, misent sur l’ouverture “d’une transition pacifique du pouvoir”. Sans élection démocratique depuis 2016, les populations haïtiennes veulent croire à la fin de l’instabilité politique dans le pays.
Fin de parcours pour le Premier ministre haïtien. Au pouvoir depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse il y a trois ans, Ariel Henry a été contraint à la démission mardi 12 mars après une intense pression des gangs armés en Haïti. Jugé illégitime par l’ensemble de la population, le désormais ex-Premier ministre du pays est actuellement dans le territoire américain de Porto Rico, lieu dans lequel il s’était réfugié pour fuir les violences menées par les groupes criminels.
Depuis le 29 février, Port-au-Prince s’est enfoncé un peu plus dans la crise. La capitale haïtienne est le théâtre d’affrontements extrêmement violents entre policiers et gangs. Les bandes armées, qui contrôlent 80 % de Port-au-Prince, s’en prennent à des lieux stratégiques du pouvoir, comme le palais présidentiel, des commissariats ou des prisons. Sous pression, plusieurs milliers de détenus avaient même été libérés fin février. Face à la situation, l’état d’urgence avait été décrété dans le pays depuis une semaine.
La démission du Premier ministre Ariel Henry “peut être interprétée comme un début de sortie de chaos”, analyse Jean-Marie Théodat, géographe et maître de conférence à l’Université Panthéon-Sorbonne, spécialiste de la région. “Il n’avait pas l’ombre d’une onction démocratique à la tête du pays”, souligne-t-il. Pour rappel, le Premier ministre a pris les rênes du pouvoir deux jours après la mort du président de la République. “On a des doutes sur sa participation ou non à cet assassinat”, soulève Jean-Marie Théodat. “Peu de temps avant l’assassinat du président, son numéro de téléphone figure sur les numéros d’appels de l’un des exécutants. On l’aurait appelé peu de temps après aussi. Il y a une part d’ombre”, explique, incertain, le maître de conférence.
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— Primature de la République d’Haïti (@PrimatureHT) 12 mars 2024
Message du Premier ministre, @DrArielHenry, à la nation
Lundi 11 mars 2024#Haïti pic.twitter.com/3UTM8cMVR3
Très présente en Haïti, et notamment dans la capitale Port-au-Prince, l’Église chrétienne est aussi victime de l’instabilité du pays. Plus largement, les congrégations religieuses payent un lourd tribut de ces violences. “Il y a eu des assassinats, des enlèvements, et même des viols de religieuses à Port-au-Prince”, déplore Jean-Marie Théodat. Mi-janvier, avant que le pays ne s'enfonce dans le chaos, six religieuses avaient été enlevées par les gangs armés. Si elles ont bien été libérées depuis, cela constituait la plus grande disparition de religieuses de ces dernières années, estimait l’Aide à l’Église en détresse.
“S’attaquer à des cibles innocentes” est une façon de “s’attaquer à des symboles”, résume le géographe. “Il y n’y a ni conflit religieux, ni conflit ethnique, ni conflit du territoire, qui peuvent expliquer ce type de débordements”. En revanche, “l’Église ayant toujours été un élément important de la société civile dans l'analyse, dans la prospective de la vie politique et social en Haïti, elle a été particulièrement touchée”, explique celui qui est également auteur du livre “Fatras Port-au-Prince” publié aux éditions Parole.
Depuis le début de la semaine, l’ONU a les yeux braqués sur Haïti, inquiète de l’ampleur de la situation. Selon l’Organisation Internationale pour les Migrations, 15 000 personnes ont déjà dû fuir leur domicile et 362 000 personnes sont actuellement déplacées en Haïti, un chiffre en hausse de 15 % depuis le début de l’année.
“Il y a un sentiment de lâchage du peuple haïtien par la communauté internationale”, observe Jean-Marie Théodat qui ne voit pas “de ligne politique claire pour le pays”. Réunis en urgence depuis lundi 11 mars avec des représentants de l’ONU, les États des Caraïbes tentent de trouver des solutions pacifiques de sortie de crise. En début de semaine, l’actuel président de la Communauté des Caraïbes (Caricom) Mohammed Irfann Ali, chef de l’Etat du Guyana s’est dit “heureux” de pouvoir annoncer “un accord de gouvernance transitoire ouvrant la voie à une transition pacifique du pouvoir” et à “une continuité de gouvernance”.
En Haïti, il y a plus de 600 000 armes de guerre en circulation. Il y a eu 5 000 assassinats et morts violentes dans le pays en 2023 et plus de 2 500 enlèvements contre rançon
Pour le maître de conférence à l’université Panthéon Sorbonne, il faut aller plus loin. "La communauté internationale doit envoyer des troupes et des hommes capables de donner le change à des bandits et criminels armés jusqu’aux dents”. À court terme, la situation pacifique ne semble pas efficace. “Il y a plus de 600 000 armes de guerre en circulation. Il y a eu 5 000 assassinats et mort violentes dans le pays en 2023. Plus de 2 500 enlèvements contre rançon”. Il résume : “Haïti est un pays qui subit une violence criminelle de haute intensité. Il est temps que la communauté internationale fasse les bons gestes”.
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