Dans notre société, on valorise fortement l'autonomie de chaque individu et cela infuse dans les principes éducatifs. Les parents d'aujourd'hui poussent de plus en plus, et de plus en plus tôt, les enfants à faire des choix. Du menu du dîner au choisir des vêtements : jusqu’où laisser la liberté aux enfants ? Et s'il y avait un âge où l'enfant ne sait pas encore faire des choix ?
Désirer pour son enfant qu’il devienne un individu libre et autonome est parfaitement légitime. On peut tout de même questionner une récente évolution dans les principes éducatifs : le fait de confronter très jeunes les enfants à des choix. Quel plat veut-il manger ? Quels vêtements veut-il porter ? Le psychothérapeute et psychanalyste Antoine Périer, co-auteur de "Trop de choix bouleverse l’éducation" (éd. Odile Jacob, 2023) nous explique en quoi cela pose problème.
L’autonomie est aujourd’hui érigée en "valeur absolue" dans notre société, selon Antoine Périer. Autonomie, c’est-à-dire vision de l’individu comme un "être autonome qui ne dépend de personne, qui est libre de ses choix". Or, depuis la fin des années 80, il y a un glissement dans les principes éducatifs. Ils sont selon le thérapeute "soumis et dépendants des changements sociétaux".
De plus en plus, on devine cette tendance en matière d'éducation, qui est même "une sorte d’injonction sociétale" : "Avoir à choisir, pouvoir et devoir choisir de plus en plus tôt." Et cela "n’est pas sans poser problème".
De plus en plus tôt, on met les enfants en position d’avoir à choisir
Cette injonction, Antoine Périer la devine dans le quotidien de ses patients et des parents qu’il reçoit en consultation. Nourriture, vêtements, loisirs… "ça concerne tous les moments de la vie quotidienne, décrit-il, du début de la marche à l’adolescence. De plus en plus tôt, on met les enfants en position d’avoir à choisir."
Par exemple, faut-il laisser un enfant de deux ans choisir ce qu’il va manger lors des repas ? Il y a un âge où les enfants "ne sont pas outillés pour choisir", rappelle le thérapeute. "C’est un peu comme si on oubliait que choisir est une chose absolument essentielle puisque nos trajectoires individuelles sont aussi le fait de nos choix, mais choisir ça s’apprend."
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Quand on laisse trop de liberté à un enfant, quelles sont les conséquences sur son psychisme ? Le risque c’est que l’enfant "se sentent coincé entre une multitude de possibles", prévient Antoine Périer. On le confronte à "un arbitrage impossible" pour lui. Ainsi, si on laisse un jeune enfant choisir sa nourriture, souvent il va choisir "ce que mangent les parents même s’il n’en a pas forcément envie". Ou alors il ne choisit rien, et reste "muet, inhibé devant la possibilité de choix". Ou encore, son choix est "constamment remis en cause" et l’enfant devient "capricieux" : il veut "une chose et après une autre chose".
Éduquer est "difficile", reconnaît Antoine Périer qui plaide pour la recherche d’un ajustement. Trop de choix et trop de liberté peuvent causer tout autant de dégâts sur le psychisme de l’enfant qu’un excès de pouvoir et une frustration constante. Il faut "progressivement confronter l’enfant à la réalité d’un désir non satisfait" car faire l’expérience d’un désir non satisfait c’est "composer" avec le réel.
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