Il y a en France peu de tableaux de Caravage, un grand maître italien qui a vécu à la charnière des XVIe et XVIIe siècles. Les collections françaises ne comptent que quatre toiles. Trois au Louvre, à Paris, et une au musée des Beaux-Arts de Rouen. C’est là que se tient actuellement une petite exposition qui mérite le déplacement.
Au musée des Beaux-Arts de Rouen on peut y voir deux œuvres majeures du Caravage, qui sont deux versions d’un même sujet, la flagellation du Christ durant sa Passion : le tableau du musée de Rouen, en format horizontal, et un magnifique tableau vertical, prêté par le musée de Capodimonte à Naples. La juxtaposition des deux œuvres est passionnante !
Le tableau napolitain est marqué par la dureté des sbires qui entourent le Christ. Ils sont en train de l’attacher à une colonne presque immatérielle qui crée une verticale de lumière aspirant notre regard vers le haut. Le tableau rouennais, au contraire, est marqué par une sorte de douceur douloureuse. Celle du regard du Christ tourné vers la lumière. Celle, aussi, du visage de l’homme qui lui lie les mains, exprimant une interrogation sur son propre rôle.
L’histoire mérite d’être racontée. Caravage a été un peintre très célèbre de son vivant, mais ensuite, sans être complètement oublié, il fut négligé durant trois siècles. Des tableaux ont été perdus de vue et ce n’est qu’au XXe siècle qu’un inventaire de l’œuvre du peintre a été entrepris.
Voilà qu’en 1955, le musée de Rouen se porte acquéreur d’une Flagellation attribuée à un dénommé Mattia Preti, peintre du milieu du XVIIe siècle. Prix d’acquisition : 225.000 anciens francs, soit environ 5 000 euros d’aujourd’hui. En 1959, ce tableau vient à la connaissance de l’historien d’art italien Roberto Longhi, grand spécialiste de Caravage. Intrigué, il vient à Rouen. Selon un témoin, il effectue "une sorte de danse muette autour de la toile". Et délivre son oracle : pour lui, pas de doute, c’est un Caravage. Plus tard, des analyses scientifiques viendront corroborer ce que le regard du connaisseur avait pressenti.
Caravage n’était pas un enfant de chœur. Il a vécu une vie mouvementée, goûtant la compagnie des prostituées et des mauvais garçons. C’est ce dont témoigne un film de Michele Placido, actuellement visible au cinéma, intitulé "Caravage". Film assez grandiloquent pour ne pas dire grand-guignolesque qui raconte comment le peintre a été impliqué dans un meurtre, ce qui l’a obligé à fuir Rome pour se réfugier à Naples. C’est là qu’il a réalisé les deux tableaux exposés à Rouen.
Cependant, Caravage est aussi un peintre qui avait à cœur de donner toute leur signification aux scènes de l’histoire sainte qu’il représentait. Ainsi la très impressionnante Mort de la Vierge qui est au Louvre. Ou, pour prendre un tableau moins connu, la Résurrection de Lazare que l’on peut voir à Messine en Sicile. Caravage était un peintre de l’incarnation. Il embauchait ses modèles dans la rue et les mettait en scène dans une sorte de poésie réaliste. Avec une capacité unique, exprimée dans une belle formule de l’écrivain Jean-Marie Touratier, celle "de mettre les péchés des hommes sous la lumière de Dieu".
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