
Cap vers le château de Chambord. A priori, ce magnifique palais royal du XVIe siècle ne semble pas le lieu idéal pour accueillir de l’art sacré, qui plus est sous forme de vitraux contemporains conçus par un prêtre dominicain. Pourtant, l’alchimie fonctionne. Cette exposition des œuvres de Kim En Joong, né en Corée il y a 84 ans, mérite vraiment le détour.
Oui, et l’on peut même dire qu’ils rendent perceptible la dimension spirituelle de cette architecture située à la charnière entre le Moyen-âge et la Renaissance. Le château a été conçu sur un plan centré en croix grecque. Et son deuxième étage est coiffé de voûtes à caissons. Leur vocation est de porter le poids de la sublime terrasse où l’on peut se promener entre les cheminées et les lanterneaux pour contempler la forêt environnante.
Mais ces voûtes créent aussi un espace de nature basilicale qui est un écrin magnifique pour les vitraux de Kim En Joong. L’exposition en propose un grand nombre qui, pour la plupart, sont des verrières d’étude réalisées par le père Kim avant ses chantiers.
La place de l'artiste dans l’art contemporain du vitrail est considérable. D’abord, en quantité. Kim En Joong - qui vit en France depuis les années 1970 - a réalisé des vitraux pour une soixantaine d’édifices religieux, les premiers qu’il a réalisés datant de 1989. Parfois, ce furent des chantiers de grande ampleur, comme à la cathédrale d’Évry, en région parisienne, ou à la basilique Saint-Julien de Brioude en Auvergne. Souvent, il s’agit de plus petites interventions dans des chapelles.
Le père Kim a aussi beaucoup apporté au renouvellement des techniques vitraillistes. Les vitraux, jusqu’à nos jours, étaient compartimentés par des baguettes de plomb. Kim En Joong, pour sa part, a développé un art de la peinture directement sur le verre en utilisant des émaux dont la couleur se révèle à la cuisson. Autre innovation, le thermoformage qui permet de donner au verre une épaisseur sculptée dont les effets se combinent avec la couleur.
Kim En Joong est un peintre abstrait dont l’art est très nourri par les techniques de calligraphie de l’extrême-orient. Son pinceau répand sur la toile ou sur le verre de grandes plages de couleur. Elles n’ont pas vocation à représenter quelque chose mais veulent nous faire accéder à autre chose. Ce qu’exprime bien l’intitulé de l’exposition : « Les couleurs de l’invisible. » Le père Kim lui-même nous dit : « C’est dans la vibration de la couleur que doit apparaître ce qui ne peut jamais être représenté. » Et il précise dans une autre citation : « Dans mon ministère de prêtre et mon métier de peintre, je tiens à une seule exigence fondamentale que tout ce que je crée soit orienté vers la lumière. »
Le vitrail est un art où la couleur, loin de faire obstacle à la lumière, au contraire la magnifie. Dans les Écritures comme dans l’esthétique sacrée, la lumière est la figure de la divinité et le moyen par lequel Dieu communique avec l’âme humaine. Kim En Joong est un magnifique serviteur de cet échange entre le ciel et la terre.
Chaque mardi à 8h45, Guillaume Goubert et Simon de Monicault présentent une exposition ou un événement qui raconte l'histoire de l'art.
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