Auteur de nombreux romans et récits de voyage, Olivier Bleys est aussi un grand marcheur. C’est au fil des kilomètres qu’il a parcourus à pied, en entreprenant notamment un voyage autour du monde, inachevé en raison de la crise sanitaire, que l’écrivain a découvert un lien très fort entre l’écriture et la marche. Entre exploration de ses sens et écoute de son rythme intérieur, l’auteur livre son expérience intime de la marche dans le cinquième épisode de la saison 2 de Marche et rêve.
C’est assez tardivement, la quarantaine passée, qu’Olivier Bleys, auteur d’une trentaine d’ouvrages et lauréat de 16 prix littéraires, s’est senti appelé à marcher. Entretenant une passion pour l’écriture, il s’en est ainsi découvert une autre pour la marche. Une pratique qui a nourri plusieurs de ses travaux littéraires, parmi lesquels L’art de la marche (Ed. Albin Michel) ou La leçon du brin d’herbe (Ed. Salamandre).
Bien que ce soit sur le tard qu’Olivier Bleys a découvert la marche en tant que telle, ce natif de Lyon, et fils d’un chasseur alpin, a grandi au contact des montagnes et a très tôt appréhendé physiquement ce territoire. "Sinon marcheur, j’ai de bonne heure été randonneur", confie l’écrivain, qui a depuis parcouru des milliers de kilomètres, en entamant un tour du monde, interrompu par le Covid. "C’était [la marche] resté en moi un peu comme un gène dormant. Ce gène a connu une expression tardive."
Selon l’auteur, la marche est dans la nature de l’être humain : "Notre corps est celui d’un bipède. Nous avons hérité d’un corps marcheur et sommes fait pour marcher." Aussi, il lui semble essentiel d’écouter cette inclinaison naturelle et de ne pas l’entraver pour se sentir bien. "Lorsque vous refusez ce pour quoi vous êtes fait, au plan physique, morphologique mais aussi moral, lorsque vous contrariez une vocation foncière, celle du corps, les choses ne peuvent pas bien aller."
La marche nous restitue au monde.
Comme l’explique Olivier Bleys, l’impulsion de la marche est souvent déclenchée par un évènement, une difficulté de parcours telle qu’un divorce ou deuil. Ça n’a cependant pas été le cas pour lui : "Je percevais simplement une dimension de moi-même que j’ai voulu exprimer. Elle m'est apparue, cette année-là avec plus de force, sans que je ne sache pourquoi."
Tandis que l'écriture induit une sédentarité et une mise à distance de l'environnement extérieur, la marche met tous les sens au contact du monde physique, observe Olivier Bleys : "Mon corps s’est connecté au monde à travers ses sens apparents, tel que la vision, et d’autres plus discrets, comme le sentiment du poids du corps, de la température."
Curieux de découvrir des sensations inexplorées, l'écrivain s’est essayé à la marche à pied nu afin d’être pleinement au contact du sol : "Lorsqu'on marche pieds nus, on s'aperçoit qu'une flaque, c'est frais, qu'il y a des poches de chaleur dans la terre, on découvre les textures." L’expérience démultiplie les sensations, mais reste bien entendue déconseillée sur de longues distances ! Marcher à la belle étoile élargit aussi le champ sensoriel, selon Olivier Bleys : "La nuit, les sensations changent de nature. L’ouïe, prend une importance différente. C'est un monde entièrement différend, qui mérite d'être marché."
À l’opposé de nombreux marcheurs qui nourrissent leur chemin de rencontres humaines, et bien qu’il a formé des équipes à effectuer un tour du monde à pied, Olivier Bleys confesse bien volontiers être un marcheur solitaire : "Une compagnie génère une sociabilité. La conversation prend le dessus et on parle de tout autre chose que ce qu’on est en train de vivre." Seule la marche solitaire permet, selon l’écrivain, de se concentrer sur ses sensations.
Je ne mets pas la marche en plein nature, qui réserve tant de beaux paysages et de volupté immédiate, au dessus de la marche en périphérie urbaine.
Et si le chemin peut se faire monotone, que la nature se montre parfois hostile ou se dérobe à la faveur des villes, cela ne n'arrête pas le marcheur, bien au contraire. "Mon corps se plaît dans le mouvement. J'aime parcourir le monde tel qu’il est, tel que les humains l’ont façonné et j'aime la nature dans ses différentes humeurs", explique Olivier Bleys.
Bien que la marche et l’écriture semblent être des activités très éloignées, Olivier Bleys y voit de nombreuses similitudes et compare la structure d’une journée de marche à celle d’une narration : "On y trouve de la même manière des adjuvants et des opposants, un objectif qu’on essaie d’atteindre et parfois un autre dont on a pas conscience."
Et si la marche et l’écriture ne mobilisent résolument pas le corps de la même manière, ces activités induisent toutes deux la gestion du rythme : celui du souffle pour la première et celui des mots pour la seconde. "J'ai une approche très musicale et acousticienne de la phrase et en marchant, j'ai retrouvé un rapport au souffle qui est très voisin", reconnaît-il.
Écrire pour donner à lire. Et marcher… Dans quel but ? Pour répondre à cette question, Olivier Bleys cite Goethe : "C’est pour savoir où je vais que je marche." Bien qu’il a une approche très structurée de la marche et qu’il définit toujours un point d’étape à atteindre, l’écrivain pointe l’importance de l’improvisation pour marcher dans une temporalité heureuse : "Je me fixe un cap. Le soleil levant. L'Est. Mais plus rien d'autre. On verra ce que le chemin amènera."
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