Je vais débuter cette chronique en citant Albert Camus. “Les matchs du dimanche, dans un stade plein à craquer, et le théâtre, que j'ai aimé avec une passion sans égale, sont les seuls endroits au monde où je me sente innocent.” Eh bien, pour ma part, c’est exactement ce que j’éprouve en randonnant en montagne et en visitant des musées.
J’ai donc lu avec beaucoup de plaisir le "Dictionnaire amoureux des musées" récemment publié chez Plon. L’auteure de ce dictionnaire s’appelle Anne-Laure Béatrix. Elle a été longtemps l’une des directrices du musée du Louvre, en charge de la communication et des relations extérieures.
Selon le principe de cette collection, où les articles sont classés de A à Z, on passe souvent du coq à l’âne, de l’anecdote aux questions de fond. Cela convient fort bien au monde des musées où coexistent toutes sortes de choses. On y trouve d’immenses chefs-d'œuvre à côté d’objets qui semblent sans intérêt. Du moins pour beaucoup de visiteurs, tandis que d’autres y trouveront leur bonheur.
Anne-Laure Béatrix nous dit ainsi quels sont ses musées préférés. Je retiens notamment un vibrant éloge du musée Louisiana, près de Copenhague. Effectivement, c’est un musée d’art moderne qui vaut le voyage. Je garde en particulier le souvenir d’une grande sculpture d’Henry Moore, installée face à l’Oresund, le détroit qui sépare le Danemark de la Suède.
Il est aussi question dans ce dictionnaire de la manière de rédiger les cartels accompagnant les œuvres. Ou encore de la “querelle des vernis”. Il s’agit là de la restauration des œuvres. Jusqu’à quel point faut-il enlever les vieux vernis pour retrouver les couleurs d’origine des tableaux ? Il y a en la matière des antagonismes très virulents entre spécialistes.
J’ai été très intéressé par ce qui touche à la sacralité des musées. Anne-Laure Béatrix note sur ce point que le mot même de musée renvoie à une dimension religieuse puisqu’en grec ancien, mouseîon signifie le "temple des muses". L’article du dictionnaire intitulé : "sacré", souligne que l’architecture des musées du XIXe siècle n’est pas sans évoquer celle des temples grecs. Ces lieux de cultes ont d’ailleurs leur clergé, c’est-à-dire les conservateurs, seuls autorisés à toucher les objets exposés et à en faire l’exégèse. Au Moyen Âge, une ville voulant affirmer son prestige faisait bâtir une cathédrale. Aujourd’hui, elle lance un projet de musée. On peut donc se demander si les musées ne constituent pas aujourd’hui un culte de substitution.
Du point de vue des religions, il faut certainement se poser des questions. Mais en considérant ce que ce culte des musées peut avoir de positif. Comme le dit Anne-Laure Béatrix, les musées nous aident à comprendre d’où nous venons, qui nous sommes, où est le vrai et le beau. À l’article "vandalisme", Anne-Laure Béatrix souligne que s’en prendre à une œuvre d’art, c’est s’en prendre à l’universalité, à l’humanité dans ce qu’elle peut offrir de plus rare, mais aussi à ce qui transcende le temps. On comprend alors pourquoi les récentes actions d’écologistes radicaux contre des œuvres d’art ont eu un retentissement aussi fort.
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