Montée des eaux, sécheresses, incendies, inondations, les drames liés au réchauffement climatique se multiplient. Des bouleversements environnementaux, pesant sur notre planète, qui peuvent rendre soucieux voire anxieux. Ces inquiétudes portent un nom : "l'éco-anxiété". Comment faire face à cette sensibilité face aux mutations ? Que dit cette souffrance de notre société ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Stéphanie Gallet.
C’est une expression nouvelle mais dont le phénomène se développe depuis déjà quelques années. L’éco-anxiété désigne l'ensemble des ressentis et angoisses face au changement climatique et aux menaces environnementales actuelles et futures. Une hypersensibilité qui peut aussi être un moteur pour agir.
Ce n’est pas un signe de bonne santé mentale
que de se sentir bien dans une société malade
L’état de la planète est une grande préoccupation. Pour certains, elle peut être une source de détresse. Selon Alice Desbiolles, médecin de santé public, mais aussi autrice de la bande dessinée Le meilleur des deux mondes, avec Anne Defréville chez Futuropolis, l’éco-anxiété désigne “un ensemble d’émotions et de questionnements qui peuvent traverser un individu, du fait de l’avenir, mais aussi des réponses amenées par les sociétés”.
Cette souffrance n’est pas forcément liée à la santé mentale, ou à une forme de pathologie, mais résulte d’une prise de conscience. “Ce n’est pas un signe de bonne santé mentale que de se sentir bien dans une société malade, l’éco-anxiété est donc une réponse adaptée”, confie Alice Desbiolles.“C’est un panel large d’émotions qui peut aller de l'anxiété à la joie avec l’envie d’agir”, complète-t-elle.
Contrairement aux idées reçues, cette détresse ne constitue pas un frein mais elle induit une forme de lucidité. “Après avoir regardé le monde tel qui est, et passé la douleur du début, on voit les possibilités”, explique l’autrice. L’éco-anxiété traduit donc une forme de pensée politique sur la manière de vivre et une pensée critique qui est loin du domaine pathologique.
L'éco-anxiété est nourrie par l’absence de réponse
Les bouleversements environnementaux ne sont pas les seules causes de ces maux. “L'éco-anxiété est multisectorielle et multifactorielle. Elle est nourrie par l’absence de réponse, le régime politique, l’atmosphère et la stabilité des sociétés”, souligne Alice Desbiolles. Le réchauffement climatique a des effets sur la planète mais aussi sur les sociétés.
Pour Paule Tavignot, qui enseigne le potager à des élèves avec l'atelier le Paysan urbain et le programme Manuterra de la fondation Hermès, “ces enjeux environnementaux nous atteignent personnellement, c’est une crise qui touche à la fois la nature et les Hommes”.
Cette ancienne étudiante en science politique illustre son propos par l’exemple de l'arboriculture. Les aléas climatiques, comme le gel, impactent les rendements des cultures notamment des arbres. Un manque économique qui empiète sur les salariés mais aussi sur le management. “La chaleur augmente le taux de cortisone dans le sang et impacte le sommeil, ce qui entraîne des hausses d’auto-agressivité et d’hétéro-agressivité”, développe Alice Desbiolles.
Une situation étudiée par l’Organisation du travail, qui a déjà alerté sur les conséquences du réchauffement climatique et son impact économique et sanitaire sur les travailleurs dans l’agriculture. Mais aussi sur les métiers à l’extérieur comme dans le bâtiment.
L’écologie, une préoccupation qui n’est pas nouvelle mais qui s'accélère. De plus en plus de jeunes leaders dans l’action écologique se révèlent. Cette jeunesse est souvent interpellée pour agir face à ces mutations. “Il ne faut pas délester toute la charge sur les jeunes, chacun a son rôle à jouer à sa manière”, exprime Alice Desbiolles.
L’éco-anxiété engendre une envie d’agir : “C'est une forme d’émotion qui se traduit en mouvement. L’idée est de devenir acteur de son destin, de se le réapproprier, ça passe par une mise en mouvement qui va canaliser cette anxiété” , révèle le médecin.
Chacun a son rôle à jouer à sa manière
“Ta sensibilité ce n’est pas une faiblesse, c’est une boussole”, peut-on lire dans la bande dessinée. Le meilleur des deux mondes, réalisée avec Anne Defréville. Le militantisme, se questionner sur ses vacances, faire attention à ce que l’on achète, quels transports on utilise, pour Alice Desbiolles, “l’être humain est un être sensible, chacun peut agir selon ses talents et ses appétences. On a besoin de cette complémentarité car c’est l’alliance des différentes sensibilités qui amène dans une certaine direction”.
Des engagements qui dépendent des aptitudes, et qui peuvent donc prendre des formes diverses. Qu'elles soient communautaires, économiques ou politiques, les participations sont toutes importantes. “L’éco-anxiété, c’est un moteur du changement, il n’y a pas de petits engagements car chaque engagement se vaut”, affirme Alice Desbiolles.
L’éducation peut être un des piliers du changement. Apprendre le jardinage dès le plus jeune âge, un enseignement que Paule Tavignot délivre à des élèves qui vont de la maternelle au lycée. “Je fais un programme qui permet de voir la biodiversité mais aussi les enjeux de l’eau”, précise-t-elle.
Cette éducation ne s’appuie pas sur des discours anxiogènes mais sur une découverte de la nature pour mieux la comprendre. De plus, les bienfaits du jardinage sont nombreux. “Le jardinage permet de faire des mouvements, d’être en extérieur, impacte le microbiote, mais aussi la santé mentale. Cultiver ses jardins extérieurs mais aussi intérieurs, ça a des vertus positives”, affirme Alice Desbiolles.
C’est bien de planter des graines dans la tête des enfants,
ils veulent bien faire, c’est important de leur proposer
des solutions sans tomber dans un discours anxiogène
À côté de ce travail, Paule Tavignot fait des recherches sur les cours pratiques et les manuels associés à ces enseignements dans les pays européens. Dans certains d'entre eux, les travaux manuels font partie des cours obligatoires distribués dans les écoles. “Le travail manuel est présent sous forme de trois matières dans plusieurs pays européens comme l’Estonie, la Finlande, la Suisse, la Suède ou encore la Belgique.” explique Paule de Tavignot.
Les enfants ont des cours de couture, de cuisine, de menuiserie ou encore de jardinerie. “Je pense que ça devrait être un enseignement obligatoire. C’est bien de planter des graines dans la tête des enfants, ils veulent bien faire, c’est important de leur proposer des solutions sans tomber dans un discours anxiogène”, révèle Alice Desbiolles.
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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