LE POINT DE VUE DE NATHALIE LEENHARDT - Ce vendredi soir marque la fin de la campagne officielle des élections européennes. Difficile pour Nathalie Leenhardt de ne pas parler d’Europe, face à l'euroscepticisme et au risque d'une forte abstention.
Difficile aujourd’hui de ne pas parler d’Europe, Nathalie ? En effet, comment ne pas être tournée vers le scrutin de dimanche ? Comment ne pas être traversé de craintes et d’espoirs pour son avenir ? J’aime l’Europe et l’idée européenne, je suis née dedans. Plus que tout, j’aime l’intuition de ses pères fondateurs, parmi lesquels l’Allemand Adenauer, le Français Schuman et l’Italien Gasperi, qui ont regardé l’avenir pour dépasser le passé. Ces trois grandes figures spirituelles ont ainsi inscrit dans un projet politique audacieux leurs motivations chrétiennes de fraternité universelle. Les hasards du calendrier ont d’ailleurs placé le scrutin quelques jours à peine après la célébration des 80 ans du Débarquement, un beau symbole pour signifier à quel point on est plus forts, ensemble, face à la terreur…
Quand cette semaine les cartes électorales sont arrivées par la Poste, derniers vestiges face au tout numérique, j’étais contente. Ces bouts de carton bleu, blanc, rouge, un peu désuets, nous disent le privilège immense que nous avons de pouvoir voter, quand tant d’humains sur la terre rêvent de pouvoir le faire de façon libre et apaisée. Quand je m’entretiens aujourd’hui avec des réfugiés soudanais, congolais ou sri-lankais qui ont dû précipitamment quitter leur pays pour avoir dénoncé la corruption ou le non-respect de la constitution, ils ne comprennent pas qu’on puisse d’un revers de main balayer ce droit fondamental…
C’est vrai et c’est triste, mais ce n’est pas le cas, semble-t-il, dans l’ensemble des pays européens où les citoyens se mobilisent bien davantage. Je crois qu’en France, on ne fait pas assez de pédagogie autour de l’Union européenne, qui continue d’apparaître comme un grand monstre froid, complexe, responsable de tous nos maux. On le sait depuis la nuit des temps, trouver un bouc émissaire est bien utile et l’Europe fait partie de ceux-là chez nous. Il n’est que lire certains slogans sur les affiches qui appellent à plus de France et moins d’Europe, comme si notre pays n’était qu'une forteresse attaquée. Or ce qui est plus attaqué est bien le principe démocratique au cœur du projet européen, la nécessité des discussions et des délibérations, l’idée même de compromis, que tant et tant voudraient remplacer par l’autoritarisme, voire la dictature à l’image de ces dirigeants autocrates qui s’imposent de plus en plus sur notre planète. Comment Trump, Poutine, Erdogan ou Modi peuvent-ils apparaître comme des modèles séduisants ? C’est effrayant.
Pourtant, dans un monde devenu toujours plus incertain, comment ne pas voir que seule la collaboration au niveau européen peut apporter des réponses efficaces. C’est vrai pour la lutte contre le terrorisme. C’est vrai pour la recherche et la formation des étudiants. C’est vrai pour les positions commerciales face à ces géants que sont la Chine et l’Inde. C’est vrai pour penser les migrations qui n’iront qu’en augmentant face au réchauffement climatique. C’est vrai pour la lutte contre les gaz à effets de serre et la crise climatique qui va s’accélérant. Franchement, plutôt que de voir les trombines des têtes de liste sur les panneaux d'affichage, on devrait informer les passants sur ces sujets… Et rappeler qu’en 1986, le nuage radioactif de Tchernobyl ne s’est pas arrêté aux frontières…
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