LA CHRONIQUE DE THÉO MOY - Alors que les morts se comptent pas dizaines de milliers à Gaza, Théo Moy interroge cette forme d’indifférence qui peut saisir les occidentaux face à ces drames humains.
Cinq mois après l’attaque du Hamas en Israël, la situation à Gaza inquiète les observateurs internationaux. La réaction des pays occidentaux est-elle à la hauteur du drame ?
5.000, 10.000, 15.000, 20.000, 25.000, puis 30.000 morts recensés par le Hamas, à Gaza. Pourtant, depuis notre pays occidental, nous semblons sourds au drame que subissent les Palestiniens, assaillis par les bombes et la faim. Le mal qui nous guette, à l’abri dans nos pays riches, c’est celui de l’indifférence. Cette indifférence, nous la côtoyons de très près, quand nous viennent les informations de Gaza et que nous fermons nos oreilles et nos cœurs.
Mais elle nous saute aussi à la gorge, lorsque dans le métro, au coin de la rue, une femme pauvre habillée de haillons tend la main, ou un jeune homme hausse la voix pour demander de l’aide, quelques centimes pour un sandwich, dix balles pour une chambre d’hôtel.
L’indifférence, c’est une protection naturelle, bienvenue, face à un monde trop dur, trop brutal et trop violent. Un monde que l’on préfère ignorer. Prendre en compte ce monde, ce serait tomber dans le désarroi, le désespoir, la peur.
L’indifférence est un confort, un confort bourgeois. Le confort de ceux qui peuvent vivre au mieux, dans les meilleures des conditions, en ignorant volontairement que tous les humains ne partagent pas la même existence.
Le premier remède à l’indifférence est la relation. Cet inconnu qui mendie au carrefour à côté de chez nous, devient un voisin si l’on se met à discuter avec lui. La pitié met à distance, elle éloigne, et nous fait imaginer des choses qui sont parfois bien pires que la réalité. Alors évidemment, il est difficile d’entrer aujourd’hui en relation avec les palestiniens piégés à Gaza. Mais on peut penser à eux, ne pas les oublier malgré les semaines qui défilent, leur accorder une petite place dans nos vies.
Et de la relation, nous glissons naturellement à l’engagement, qui est le deuxième remède à l’indifférence. S’engager dans des maraudes, créer un café associatif, militer dans une ONG, c’est non seulement refuser de détourner le regard, mais aussi prendre la réalité à bras le corps, et vouloir la changer.
À hauteur d’homme et de femme, l’indifférence se comprend. Elle est un penchant naturel. Mais à une échelle collective, politique, elle devient une faute inexcusable. Lorsque l’on apprend que la couverture médiatique de la situation à Gaza dans les journaux télévisés baisse, lorsque l’on entend des responsables politiques minimiser cette situation, on tombe dans le domaine de l’insupportable.
Antonio Gramsci, philosophe italien, a publié dans les années 20 un texte célèbre, Pourquoi je hais l’indifférence. Il s’adresse directement aux indifférents : "Je demande à chacun d’eux de rendre compte de la façon dont il a rempli le devoir que la vie lui a donné et lui donne chaque jour, de ce qu’il a fait et spécialement de ce qu’il n’a pas fait". Face à l’indifférence, choisissons, avec Gramsci, l’indignation.
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