LA CHRONIQUE DE AYMERIC CHRISTENSEN - Puisque nous sommes en plein dans l’octave de Pâques et qu’il serait tout de même compliqué de trouver une nouvelle à commenter plus décisive que la Résurrection, parlons de ce qu’elle implique. Est-ce bien raisonnable, dans un monde où tout semble aller de travers, tout le temps, partout ? Oui, car sans cette espérance, finalement, à quoi bon continuer à croire en quelque chose et à quoi bon chercher à améliorer les choses ?
Ce que ces jours de Pâques nous rappellent, c’est aussi de reprendre racine et source au cœur de notre foi. Et nous rappeler qu’elle change tout.
Le chemin de croix, magnifique et très simple accompagnement de la Passion du Christ, comme une longue réponse à cette idée que prier ne sert à rien, qu’on ne voit que rarement les effets de la prière. À cela, le Pape François a opposé un véritable plaidoyer pour "la grandeur de la prière d’intercession qui sauve le monde", allant même jusqu’à affirmer : "Ma prière peut changer l’histoire" !
Mais est-ce que ce n’est pas de la naïveté vaguement superstitieuse ? Est-ce que ce n’est
pas se déresponsabiliser à peu de frais, en se réfugiant dans une spiritualité éthérée au lieu d’agir
concrètement ? Non, parce que la prière ne consiste pas juste à s’en remettre à Dieu. C’est d’abord
remettre Dieu dans le regard que nous portons sur le monde. Et ça, c’est un formidable remède au
sentiment d’impuissance qui nous assaille trop souvent.
Dieu n'est pas à envisager comme une fuite mais plutôt comme un ancrage au milieu des tempêtes. D’un drame à l’autre, nous sommes souvent comme des lapins pris dans les phares d’une voiture. Sidérés, effrayés, incapables de prendre du recul. D’où l’importance de temps de respiration, de nous décentrer.
Il ne s’agit pas de prier pour que tout s’arrange. Encore que, pourquoi pas ? mais de commencer par demander la grâce du discernement : avoir un regard juste sur les événements, déterminer ce que nous pouvons faire de mieux, là où nous sommes. Et apprendre, aussi, à ne pas tant rechercher l’efficacité que la justice et la justesse. C’est d’ailleurs le sens de ces mots qui concluent la prière universelle durant la messe : "Donne à chacun la claire vision de ce qu'il doit faire et la force de l'accomplir".
Le philosophe Jacques Maritain, qui a beaucoup réfléchi à l’engagement des chrétiens dans la cité,
distinguait ce qu’il appelait les "moyens riches", temporels, ceux qui nous semblent souvent forts,
efficaces, puissants et les "moyens pauvres", spirituels, apparemment dérisoires et qui, pourtant, sont ceux du Christ dans l’Évangile : la prière, la prédication, le service. "Le monde périt de lourdeur, écrivait Maritain. Il ne rajeunira que par la pauvreté de l’esprit."
Est-ce que ça va résoudre tous les problèmes de notre temps ? Sans doute pas. Mais nous avons
aussi peu de chances d’y parvenir sans commencer par là. C’est tout ce que je peux nous souhaiter,
au fond. Pour quelques jours encore, nous laisser éclairer par la lumière douce et fraîche du matin
de la Résurrection. Et puis nous retourner, regarder l’actualité d’un œil neuf et aller changer le
monde.
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