Dans l'évangile de ce dimanche, les anges choisissent des bergers pour annoncer au monde la naissance de Jésus. Après Zacharie et Marie, c'est une troisième annonciation. Or, au temps de Jésus, les bergers étaient considérés comme impurs, en marge de la vie religieuse car ils ne pouvaient aller au temple. Et pourquoi donc Dieu, venant au cœur du monde, naît-il dans une étable, et pas dans un temple ? Le commentaire de l'évangile est assuré par la bibliste Nicole Fabre.
Luc est l’un des deux évangélistes à évoquer l’enfance de Jésus, avec Matthieu. Des récits écrits bien après la résurrection, qui n’ont pas de prétention historique. "C’est vraiment pour donner le sens de cette venue dans le monde, du Christ reconnu après sa mort et sa résurrection", précise Nicole Fabre.
Évangile du dimanche 1er janvier 2023 (Lc 2, 16-21)
Ils se hâtèrent d’y aller, et ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire. Après avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leur racontaient les bergers. Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur.
Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, selon ce qui leur avait été annoncé.
Quand fut arrivé le huitième jour, celui de la circoncision, l’enfant reçut le nom de Jésus, le nom que l’ange lui avait donné avant sa conception.
Source : AELF
Un ange annonce aux bergers la naissance du Christ : on est là devant une nouvelle annonciation, comme cela avait été fait à Zacharie et à Marie. "On est complètement en lien avec toutes ces annonciations-là", pour Nicole Fabre. Comme Marie s’est hâtée chez sa cousine Élisabeth, les bergers se précipitent. Mais contrairement à Zacharie, "ils n’ont aucun état d’âme", s’étonne la bibliste et entrent tout de suite dans la joie. Si on en croit Luc, les bergers, ces hommes qui ne peuvent même pas se rendre au temple pour prier car ils sont contraints de garder leur troupeau, on les voit dans ce texte, "sans aucun problème", relève Nicole Fabre, laisser leur troupeau...
Que les anges s’adressent en tout premier à des "parias" est étonnant. Au temps de Jésus, en effet, les bergers étaient tout au bas de l’échelle sociale. Parce qu’ils "ne pouvaient pas suivre les rythmes de prière ou les fêtes", raconte la bibliste, ils étaient jugés impurs, en marge de la société religieuse. Chez Luc, la figure des petits est très importante, "ceux dont la vie ne tient qu’à un fil, terriblement fragile". La figure du berger aussi, omniprésente dans la bible hébraïque, revient souvent dans l’évangile de Luc.
Justement, ces bergers, ne pouvant aller au Temple, ils vont aller à la source ! Le lecteur d’aujourd’hui sera étonné en lisant ce texte de ne pas trouver l’âne et le bœuf, que l'on représente aujourd’hui dans la crèche de Noël (en référence à une parole d’Isaïe, dans l’Ancien Testament). Chez Luc, on ne trouve qu’un homme et une femme avec un nouveau-né. L’évangéliste ne s’embarrasse pas de détails. Mais il insiste sur le fait qu’il est dans une mangeoire : le mot revient trois fois au chapitre 2.
"Au Moyen-Orient, ne pas faire de place à une femme enceinte, c’est impensable dans la culture de l’époque", rappelle Nicole Fabre. Pourquoi donc Luc insiste-t-il sur la mangeoire ? "Il est le pain de vie, répond la bibliste, il est celui qui vient nourrir le monde. Cet enfant il est vraiment placé pour la vie du monde."
"C’est quand même étonnant que Dieu, venant au cœur du monde, ne choisisse pas le Temple !" Pour les bergers rien d’étonnant au contraire : "Pour eux la relation à Dieu elle peut être partout", explique Nicole Fabre. "Ils vivent la foi de manière de façon complètement non institutionnelle, ce qui n’est pas rien pour nous aujourd’hui où nous avons des églises établies... Luc nous emmène complètement ailleurs. Ceux qui peuvent vivre Noël au milieu de pauvres peuvent témoigner qu’il y a là quelque chose qui vient rejoindre au plus profond l’annonce de l’Évangile."
Peu de nos contemporains connaissent les Évangiles. Ils n'y sont pas hostiles mais ils n'ont plus d'occasion d'y avoir accès. C'est partant de ce constat que, avec l'éclairage d'un bibliste, Béatrice Soltner propose chaque semaine un texte d'Évangile pour qu'il soit entendu (ou réentendu), pour en savourer la nouveauté et faire l'expérience que - si incroyable que ce soit à l'heure de l'instantanéité - cette parole écrite il y a plus de 2.000 ans nous rejoint toujours au plus profond.
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