Le 17 mai 2024, le Vatican publiait un document portant sur le discernement que nécessitent les phénomènes d’apparitions mariales et les manifestations extraordinaires. Un appel à la prudence de la part du Saint-Siège afin de prévenir toutes formes d’abus ou de confusion. Une émission Je pense donc j’agis présentée par Véronique Alzieu et Melchior Gormand.
Depuis les débuts du christianisme, des apparitions mariales et autres phénomènes ont eu lieu. Même si des situations ont été reconnues par l'Église, certaines de ces manifestations ont été montées de toutes pièces par des personnes avides de gloire et de célébrité. C’était le cas en 1995 à Civitavecchia en Italie, lorsqu’une statue de la Vierge Marie pleurait des larmes de sang. Devant l’engouement qu’a provoqué cet événement, la justice s’est saisie de l’affaire et les tests ADN ont prouvé que ces soi-disant larmes provenaient d’un homme, potentiellement le propriétaire de la statue. Une falsification parmi tant d’autres à des fins sans doute économiques pour une ville qui voulait devenir un lieu de pèlerinage.
Pour empêcher ces actions, le Vatican a publié vendredi 17 mai un texte intitulé Norme procédurale pour le discernement de phénomènes surnaturels présumés. Derrière ce nom alambiqué, une volonté simple : enquêter sur les apparitions mariales pour empêcher les impostures et mettre en place des garde-fous.
Dorénavant, les évêques ne sont plus aptes à affirmer la véracité d’une apparition sans avoir mené une enquête au préalable. Un travail qui nécessite l’intervention d’experts scientifiques selon la nature de l’apparition. Si matérielle, des tests ADN seront réalisés et si seulement visuelle, des psychologues interrogeront les témoins de ce phénomène. Ce travail de vérification est ensuite envoyé au Vatican pour qu’il se prononce sur la nature de l'événement.
C’est délicat pour le Vatican de traiter de ces phénomènes.
Prudence est toutefois de mise. L'évêque doit tout de même être prudent dans son choix des experts : il doit s’assurer que leur croyance n’entre pas en conflit avec le bilan qu’ils soumettent à l’Église. De son côté, le Saint-Siège doit aussi s’assurer que l’évêque lui-même n’est pas biaisé à la suite de cette potentielle apparition "mais c’est délicat pour le Vatican de traiter de ces phénomènes", relate Hendro Munsterman, théologien et journaliste néerlandais. "Rome ne souhaite pas décevoir les fidèles qui croient de bonne foi. C’est pourquoi le Vatican a mis tant de temps avant de s’y mettre vraiment", explique le journaliste.
"Libre à chacun de profiter des fruits spirituels de ce lieu, mais personne n’est obligé d’y croire", rappelle Nicolas de Boccard, prêtre du diocèse de Lyon et spécialiste du droit canon. "Après tout, ces apparitions peuvent aider mais ne font pas partie de la foi comme telle." Pour Marie-Hélène Robert, professeure de théologie à la faculté de théologie de l’UCLY, ces apparitions "testent la foi" mais aussi la "moralité des individus" qui prétendent être témoins, leur crédibilité en tant que croyant étant en jeu.
Personne n’est obligé d’y croire.
Hendro Munsterman précise que l’Église ne force personne à croire en ces apparitions : "ces manifestations ne rajoutent rien à ce que nous croyons en tant que catholique". Elles restent avant tout, comme l’explique Jean-Marie, un auditeur de la RCF, des "rappels à la foi".
Malgré tout, ces événements extraordinaires font également la renommée mondiale de certains lieux, à l'instar de Lourdes. Le sanctuaire et sa grotte sont devenus des lieux de pèlerinages connus partout dans le monde après les apparitions mariales de 1858 face à Bernadette Soubirous. "Personne n’est forcé à croire en la vision qu’a eu Bernadette, et pourtant il y a une fête liturgique le 11 février", indique Marie-Hélène Robert en abordant ces phénomènes.
Bien que cet événement rassemble des millions de croyants chaque année, le Saint-Siège n’a jamais reconnu cette apparition comme telle. "Le critère maximum que peut donner l’Église face à ces phénomènes, c’est le Nihil Obstat, rien ne s’y oppose" explique Nicolas de Boccard.
C’est aussi le cas à Zeitoun, dans la banlieue du Caire en Egypte, où des apparitions auraient eu lieu vers la fin des années 1970, avec à l’appui des photographies de l'événement. "Marie s’est laissée voir à Zeitoun devant des milliers de personnes, et j’ai devant moi l’unes de ces photos", raconte Marie-José, auditrice fidèle de l'émission Je pense donc j'agis. Bien que d’origine douteuse, ces photographies servent à beaucoup pour se rappeler de cet évènement et renforcer leur foi.
Même si l'authenticité de ces phénomènes est sujette à de nombreux débats au cœur de la communauté chrétienne, Nicolas de Boccard estime que la vraie question n’est pas là : "Si l’Église dit que rien ne s’y oppose, alors les pèlerinages continueront. Elle n’a pas à se prononcer sur la véracité d’une potentielle apparition, c’est secondaire par rapport à ce qu'elle considère comme important, à savoir non pas le phénomène merveilleux mais plus la foi vécue par le peuple chrétien".
Si l’Église dit que rien ne s’y oppose, alors les pèlerinages continueront.
De fait, ces évènements ne seraient que des catalyseurs selon Hendro Munsterman : "les apparitions ne sont pas des fruits spirituels en elles-mêmes, mais les pèlerinages et les visites où la parole est présente et la rencontre avec des personnes qui partagent la foi, ce sont là les vrais fruits spirituels qui découlent de ses apparitions".
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