Le 28 décembre 2022, on commémore les 400 ans de la mort de saint François de Sales. Immense figure de l'Église catholique, il a pourtant été souvent en décalage avec son époque. Ses écrits, et notamment sa célèbre "Introduction à la vie dévote", sont d'une étonnante modernité. Le Père Michel Tournade s'en inspire pour nous livrer une interprétation des béatitudes.
Saint François de Sales est mort il y a 400 ans, le 28 décembre 1622. Cette figure majeure de l’histoire de l’Église catholique a écrit "L’introduction à la vie dévote". Un ouvrage qui a connu dès sa parution en 1609 un immense succès, il n’a cessé d’être réédité jusqu’au XXe siècle. Le Père Michel Tournade, curé de paroisse à Annecy et religieux oblat de saint François de Sales, est l'un de ses biographes et un spécialiste de ce véritable best-seller. Il a notamment écrit "Un monde à aimer - Une adaptation de l'Introduction à la vie dévote de saint François de Sales" (éd. Nouvelle Cité, 2010).
La "vie dévote" telle que la conçoit le saint patron des journalistes n’a rien de désuet ou de poussiéreux, selon Michel Tournade. D’ailleurs, dans son dernier ouvrage, "Vivre les béatitudes avec saint François de Sales" (éd. Salvator, 2022), le prêtre rapproche ce texte d’un autre, tout aussi célèbre : les béatitudes. Ce faisant, Michel Tournade parvient à nous dire combien l’un et l’autre sont d’une grande actualité. Pour RCF, il commente cinq versets des béatitudes, à la lumière de saint François de Sales.
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"Les Béatitudes, c’est d’abord un chemin de bonheur", rappelle Michel Tournade. La pauvreté dont parle le Christ est celle du cœur. Tout simplement, cela signifie que "pour aimer, il faut être pauvre de cœur", explique Michel Tournade. Dans son "Introduction à la vie dévote", François de Sales nous dit que se savoir aimé de Dieu est un préalable : si l’on n’en est pas convaincu, "ce n’est pas la peine d’aller beaucoup plus loin", commente le prêtre.
Certes, les chrétiens disent souvent que Dieu est amour et qu’il aime l’humanité. Mais avec François de Sales, "il faut passer du nous au tu" : "Dieu t’aime, toi, personnellement avec ce que tu es, sans préalable et sans condition particulière." Être dévot c’est d’abord cela : être convaincu que Dieu m’aime. Et si ce n’est pas si facile, admet Michel Tournade, habitués que nous sommes à "cette culpabilité latente…"
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Comment faire face au découragement ? Quand on voit l’état du monde, tant d’injustices… Que faire quand la lassitude nous gagne ? La vie dévote que propose saint François de Sales "est un antidote à notre découragement", analyse le spécialiste. "D’abord il faut faire le deuil de ne pas être Dieu. Quelques fois, on voudrait être Superman ou un héros de la chrétienté… Cette vulnérabilité nous rend meilleurs, plus indulgent plus miséricordieux pour les autres." François de Sales va même jusqu’à dire, d’après le Père Tournade, que "les gens parfaits, ou qui croient l’être sont en réalité tout à fait assommants !" Finalement, nos défauts ou nos vulnérabilités "nous aident à être plus fraternels, et peut-être avoir aussi plus besoin des autres".
Difficile de comprendre ce verset des Béatitudes ! "Peut-être la première chose qu’on peut se dire, c’est que le Christ lui-même a connu cette douleur, face à la tombe de son ami Lazare, par exemple", rappelle Michel Tournade. Devant l’énigme du mal et de la souffrance, "il faut s’abstenir de donner des explications trop rapides…"
François de Sales a longuement développé la thématique du combat spirituel. "Notre spiritualité n’est pas juste une sorte de consolation, rappelle le Père Tournade, un matelas confortable qui nous garantirait contre toutes les épreuves. Il y a ce combat, d’un rapport très particulier avec la souffrance, la mort, l’épreuve, l’affliction, etc., qui est un combat gagné d’avance parce que le Christ est ressuscité." Pour le saint d’Annecy, on est appelés à vivre intensément notre relation à Dieu. Cela passe par un combat contre l’absurdité mais c’est un chemin de bonheur. "Je suis croyant, quand même", disait l’abbé Pierre…
Chez François de Sales, la douceur est synonyme d’action et d’engagement. "Doux ne rime pas avec mou", commente Michel Tournade. On reproche parfois aux chrétiens leur mollesse… N’oublions pas que François de Sales a connu les guerres de Religion, il avait cinq ans au moment du massacre de la Saint-Barthélemy, en 1572. À son époque "il y a eu des fanatismes", rappelle le spécialiste, et "la réponse était souvent une réponse armée". "Se sentir le héros de Dieu, le bras armé de Dieu, le voisin de Dieu qui va prendre en main ses intérêts, c’est une chose terrifiante", rappelle le curé d’Annecy.
L’un de nous a-t-il un cœur pur ? Qui donc verra Dieu ? Le cœur pur, "ce n’est pas un état, précise Michel Tournade, c’est un projet". Pour François de Sales ce projet s’inscrit dans la fréquentation de l’eucharistie. Sur ce point, il était en contradiction avec son époque, qui a vu le jansénisme "hyperboliser l’indignité du croyant". Là où approcher l’eucharistie était vu comme "quelque chose de redoutable", François de Sales disait au contraire que c’était une fréquentation nécessaire. Une "vitamine spirituelle", commente son biographe. La question n’était pas pour lui de savoir si on est prêt à accueillir l’eucharistie mais si on a le désir d’une rencontre, "le désir d’une immense tendresse, d’un amour de Dieu sans condition, sur lequel je vais acquiescer avec ce que je suis".
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