Israël poursuivra le combat. Le Premier ministre de l'État hébreu a juré, le lundi 7 octobre, de continuer à combattre le Hamas à Gaza et le Hezbollah au Liban. Il a qualifié cette offensive de "mission sacrée", à l'occasion du premier anniversaire de l'attaque la plus meurtrière de l'histoire d'Israël. Ce conflit est-il religieux ou politique ? Quels sont les risques d'embrasement régional, notamment avec l'Iran ? Pour répondre à ces questions, Gilles Kepel, professeur des universités et spécialiste de l'islam et du monde arabe, nous éclaire.
L'armée israélienne a annoncé, lundi 7 octobre, dans un communiqué, le lancement d'opérations contre le Hezbollah dans le sud-ouest du Liban. Cette annonce intervient dans un contexte de tensions accrues, suite à l'élimination d'un haut responsable du Hezbollah, Suhail Hussein, lors d'une frappe près de Beyrouth.
Depuis les élections législatives du 1er novembre 2022, Benjamin Netanyahou a formé la coalition gouvernementale la plus à droite de l'histoire d'Israël. "Sa majorité repose en grande partie sur les 18 députés de la Knesset, des sionistes religieux pour lesquels la référence biblique est un élément clé dans la réalisation du projet sioniste", souligne Gilles Kepel. Cette politique religieuse radicale se manifeste notamment à travers le service militaire. En Israël, la conscription est extrêmement importante et concerne toute la population, y compris les femmes. Toutefois, lors de la création d'Israël en 1948, le Premier ministre David Ben Gourion a exempté de la conscription environ 100 intellectuels ultra-orthodoxes. "C’était une manière de créer un lien entre l'État d'Israël, moderne et nationaliste, et la tradition juive. Aujourd'hui, ces intellectuels sont 60 000, ce qui illustre bien le poids qu'a pris la vision religieuse du monde", conclut le spécialiste.
Lorsque vous regardez les images du massacre du 7 octobre, on ressent la frustration accumulée par l'humiliation sous la domination israélienne, ainsi qu’une déshumanisation totale des victimes par les assaillants, eux-mêmes influencés par une tradition sacrée et manipulés par l'islam politique.
Une partie de ce conflit repose sur l'opposition entre deux religions, et pas seulement entre deux États, selon Gilles Kepel. "Le Hamas est un parti qui a repris le nationalisme en le diluant dans une vision islamiste." Pour lui, la population juive a perçu le 7 octobre comme "le pire pogrom depuis la Seconde Guerre mondiale", tandis que le Hamas l'a présenté comme une "razzia". Gilles Kepel explique que ce terme fait référence à la manière dont, dans l'islam, on mène la guerre, citant la razzia contre l'oasis juive de Khaybar en 628, lorsque le prophète Mahomet a massacré les Juifs de cette région. "Lorsque vous regardez les images du massacre du 7 octobre, on ressent la frustration accumulée par l'humiliation sous la domination israélienne, ainsi qu’une déshumanisation totale des victimes par les assaillants, eux-mêmes influencés par une tradition sacrée et manipulés par l'islam politique."
Le troisième acteur de ce conflit est l'Iran. Pour Gilles Kepel, l'objectif de l'Iran est de mobiliser l'ensemble des musulmans contre l'État hébreu. "L'Iran a créé le Hezbollah pour se protéger d'une éventuelle frappe israélienne sur ses sites pétroliers ou nucléaires." Le Hezbollah permet également à l'Iran de marginaliser les dirigeants sunnites qui ont signé des accords avec Israël pour établir une zone de prospérité au Moyen-Orient, selon le spécialiste.
L'Iran a créé le Hezbollah pour se protéger d'une éventuelle frappe israélienne sur ses sites pétroliers ou nucléaires.
La question clé aujourd'hui, selon Gilles Kepel, est de savoir si Israël va attaquer l'Iran. Le Hezbollah, bien que affaibli, n'est pas complètement détruit et est encore capable de mener une guerre d'usure, infligeant des pertes importantes à l'armée israélienne. "L'objectif est d'affaiblir considérablement l'Iran en détruisant son rempart avancé, le Hezbollah. Si ce dernier est éliminé, le territoire iranien sera exposé en première ligne", analyse Gilles Kepel. Il conclut : "des centaines de milliers de Libanais, dont certains sont catholiques, dorment dans la rue à Beyrouth. Les effets secondaires sont importants, comme l’a souligné l’appel du pape François et l’intervention du président Macron lors du sommet de la francophonie."
Benjamin Netanyahou porte une lourde responsabilité dans les événements du 7 octobre, selon Gilles Kepel. Le cerveau présumé des attentats du 7 octobre, Yahya Sinwar, avait été libéré en 2011 lors d’un échange de prisonniers. "C’est Netanyahou qui a fait libérer Sinwar, avec 1 026 autres captifs, contre le soldat franco-israélien Gilad Shalit. Il savait très bien que Sinwar était un individu d’une extrême radicalité, prêt à prendre le pouvoir à Gaza." Pour Gilles Kepel, Netanyahou espérait créer des divisions internes parmi les Palestiniens en libérant Sinwar. La seconde erreur du Premier ministre, selon le spécialiste, est d’avoir laissé la contrebande se développer à Gaza. "Netanyahou a manqué de vigilance sur le plan de la défense."
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