“Un tremblement de terre”, “le chaos” ou encore “la chute dans l’inconnu”. Depuis lundi 1er juillet, la presse internationale commente largement les résultats du premier tour des élections législatives en France. La victoire dans les urnes du Rassemblement national a créé une onde de choc bien au-delà de nos frontières. Certains pays s’inquiètent de leurs futures relations bilatérales avec la France, quand d’autres restent prudents. Tour d'horizon de l’Europe.
“Están locos los Franceses”, “Veni Vidi Vichy” ou encore le “cirque politique français”. De l’Espagne au Royaume-Uni, en passant par l’Italie, la presse étrangère n’a pas manqué de commenter le premier tour des élections législatives. Emmanuel Macron a été largement pris pour cible, lui qui est accusé d’avoir participé à la montée du Rassemblement national dans les urnes. Désormais, c’est l’incertitude et l’inquiétude qui planent en Europe.
Les relations du couple franco-allemand étaient déjà fragilisées par l’entente difficile entre le chancelier allemand Olaf Scholz et le chef de l’Etat Emmanuel Macron. La probable arrivée de Jordan Bardella, président du Rassemblement national à Matignon, plonge cette relation dans une profonde instabilité. En Allemagne, Emmanuel Macron, accueilli à Berlin, “en champion de l’Europe” en 2017 fait désormais partie des cibles de la presse allemande. “Paris est devenu un partenaire à problème”, commente-t-on Outre-Rhin.
C’est une catastrophe librement choisie. Nous ne comprenons pas
La classe politique allemande n’épargne pas non plus Emmanuel Macron. “C’est une catastrophe librement choisie. Nous ne comprenons pas. Emmanuel Macron prépare le chemin à Marine Le Pen”, constate Nils Schmid, le porte-parole du groupe parlementaire social-démocrate pour les questions de politiques étrangères. “S’il y a un changement brutal de cap politique en ce qui concerne l’Union européenne, ça peut être dangereux”, analyse Isabelle Bourgeois, maître de conférences et spécialiste des relations franco-allemandes. “L’inquiétude est énorme en Allemagne”, résume-t-elle. Plusieurs sources complémentaires allemandes assurent même que le chancelier fédéral envoie des messages tous les jours à Emmanuel Macron pour lui apporter son soutien face à la séquence politique actuelle.
Au sud de l’Europe, la presse espagnole n’a pas manqué non plus de commenter l’actualité politico-médiatique française. “Están locos los Franceses”, comprenez “ils sont fous ces Français” titrait même le Diari de Tarragona, un journal local espagnol, en exposant un Obélix fatigué en Une.
Sur le même modèle que l’Allemagne, la classe politique espagnole s’inquiète très largement de l’issue des élections législatives françaises. Pour l’Espagne, la France est le premier partenaire commercial - et vice-versa - alors l’hypothèse de l’arrivée d’une extrême droite en chef du gouvernement crée l’instabilité. “Un gouvernement d’extrême droite en France va changer les relations entre l’Espagne et la France”, assure Juan José Dorado, journaliste correspondant pour le groupe de médias espagnol La Region. “Par exemple, le contrôle de l’immigration, le contrôle des frontières, l’ouverture ou pas de postes frontaliers. Est-ce que la loi immigration qui a été votée va être respectée telle qu’elle a été adoptée par l'Union européenne ?”, s’interroge le journaliste.
Pourtant, en Espagne, les termes de dissolution et d’élections anticipées ne sont pas complètement inconnus. Désavoué par des élections locales, il y a un peu moins d’un an, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez avait dissous son Assemblée avant de finalement trouver une nouvelle majorité quelques mois après. Un pari réussi qu’Emmanuel Macron est en train de rater. Reste à savoir si l’un s’est inspiré de l’autre au moment de prendre la lourde décision.
Pas de grande déclaration. Pas d'autosatisfaction. Seulement de “l’optimisme”. Si la victoire du Rassemblement national a fait un heureux parmi les 27 Etats membres de l’Union européenne, c’est bien du côté de Budapest. Le très conservateur Viktor Orban a clamé son “optimisme” bien qu’il se soit montré “prudent” à l’issue du premier tour des élections législatives. Le Premier ministre hongrois fait preuve de précaution, lui qui veut maintenir de bonnes relations avec l’Élysée. “Il prétend ne pas vouloir interférer dans le processus démocratique d'autres pays”, rappelle Corentin Léotard, journaliste indépendant basé à Budapest.
Viktor Orbàn est aussi en quête de partenaires européens. La Hongrie, qui vient de prendre la présidence tournante du Conseil européen, souhaite rassurer l'Union européenne, après des positions pro-Kremlin dures, vis-à-vis de l’Ukraine. En visite à Kiev début juillet, l’influence du chef du gouvernement hongrois semble s’étendre de jour en jour. “Il s’est quand même félicité que le peuple français, à l'image d'autres peuples européens, se réveillerait. Il a la confirmation de ce qu’il avance depuis des années, c’est-à-dire que les élites libérales en place ne sont plus représentatives et capables de porter les aspirations des peuples européens”, conclut Corentin Léotard, joint en Hongrie.
Évoquée, l'hypothèse d’un scénario “à la Grecque” en France est complètement écartée par Thomais Papaioannou, journaliste à l’ERT, télévision publique grecque. “C’est ne rien comprendre à la crise grecque de croire en cela”, justifie-t-elle. Pourtant, la crise de la dette conjuguée à une crise politique comme vécue en ce moment en France avait de quoi inquiéter.
La montée de l'extrême droite en France ? Une question presque existentielle en Grèce
En revanche, à Athènes, l’espace politico-médiatique français est largement scruté par la presse. C’est peut-être même l’un des pays membres des 27 qui suit avec le plus d’attention les événements en France. “C’est presque existentiel”, assure la journaliste. “La Grèce suit cela avec un grand intérêt. La France a joué un rôle déterminant en Méditerranée orientale lors de la crise entre la Grèce et la Turquie. Il y a eu une signature de contrat d’opération militaire, mais est-ce que ces contrats et ces traités seront honorés avec un gouvernement d’extrême droite ?”, questionne Thomais Papaioannou. “C’est existentiel”, martèle-t-elle.
Au Vatican, il est coutume de ne jamais s’exprimer à l’issue d’élections nationales, quel qu’elle soit le résultat. Le Saint-Siège laisse toujours le soin aux évêques locaux de prendre la parole ou non. C’est d’ailleurs la conférence des évêques de France qui a pris le relais fin juin. Le conseil permanent a invité “au respect des convictions de chacun” et appelle “à discerner pour œuvrer à une meilleure société”.
Il n’empêche que dans les couloirs du palais apostolique, l’inquiétude est grande. “C’est l’acceptation des résultats, et les conséquences sociales que pourraient avoir les résultats d’élections qui inquiètent”, assure Loup Besmond de Senneville, correspondant du journal La Croix au sein de la cité-État. “Au Vatican, on a très largement suivi les Gilets Jaunes, on se souvient aussi des mouvements d’émeutes dans les banlieues”, justifie le journaliste. “C’est donc plutôt l’aspect cohésion social et crises sociales engendrées, qui sont anticipés et craints au Vatican”.
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