Enseignement catholique : une vision spécifique de l'éducation au quotidien
En partenariat avec ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
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Mardi 2 avril, un rapport parlementaire cinglant sur le financement public de l’enseignement privé sous contrat a été publié. Réalisé par le député LFI Paul Vannier et par le député Renaissance Christopher Weissberg, il pointe un manque de transparence dans le financement, des contrôles pédagogiques et budgétaires quasi inexistants et des contreparties insuffisantes de la part des établissements privés. L’enseignement catholique dénonce un rapport à charge et se défend.
Plusieurs semaines après la polémique impliquant l’ancienne ministre de l’Éducation Amélie Oudéa-Castéra et l’établissement privé Stanislas à Paris, les deux co-rapporteurs ont décidé de se pencher sur le sujet pour le moins délicat du financement public de l’enseignement privé sous contrat.
Ce qu’il faut retenir :
- Les députés Paul Vannier (LFI) et Christoper Weissberg (Renaissance) pointent un manque de données concernant l’argent public versé aux établissements privés.
- Ils dénoncent un manque de contrôles pédagogiques et budgétaires de ces établissements. D’après leurs calculs, un établissement privé est susceptible d’être audité "une fois tous les 1500 ans".
- Ils dénoncent des contreparties trop faibles en comparaison de la part de financement public qu’ils perçoivent (qui représente 75% de leurs revenus).
- Le rapport pointe aussi une dégradation de la mixité sociale et scolaire dans les établissements privés.
- L’enseignement catholique pointe un rapport à charge et craint que l’objectif caché soit de supprimer la loi Debré.
Leur premier constat a été qu’en France, "personne ne mesure à l’euro près, le montant total de la dépense publique consacrée chaque année au financement des établissements privés sous contrat", s’étonne le député insoumis Paul Vannier. La faute selon lui à "une culture de l’évitement et à une forme d’omerta" qui se serait installée parmi les acteurs publics qui craignent, dit-il, "d’être accusés de vouloir ouvrir la très fantasmée ‘guerre scolaire’".
L’enseignement catholique a d’ailleurs rapidement fait une levée de boucliers, en dénonçant un "rapport à charge" avant même sa publication. À notre micro, son secrétaire général Philippe Delorme y voit un "objectif non assumé" : la "suppression de la loi Debré et de l’enseignement privé". Pour lui, l’enseignement catholique est d’ailleurs particulièrement visé, en raison, estime-t-il, "du poids que nous représentons et de l’histoire, dans un contexte où notre un pays est de moins en moins chrétien". Dans les faits, les chiffres eux-mêmes exposent davantage ce réseau de l’enseignement privé, puisque près de 96% des élèves du privé sous contrat sont scolarisés dans des établissements catholiques.
Sur ce point, Paul Vannier se veut rassurant : son but n’est pas de supprimer cette loi et le "caractère propre" qu’elle confère aux établissements privés, et en particulier catholiques. La loi Debré garantie en effet la possibilité de mettre en place une vie pastorale au sein de l’établissement ou l’enseignement de la catéchèse. "Il ne s’agit pas du tout de l’empêcher, c’est la spécificité de ces établissements, assure-t-il, mais pour ce qui est financé par l’argent public je crois qu’il faut s’inscrire dans un cadre qui va vers plus d‘égalité de traitement de tous les élèves".
Malgré ce manque de données, le rapport fait ressortir un pourcentage, celui selon lequel 75% de l’enseignement privé serait financé par de l’argent public, notamment le salaire des enseignants. À titre d’exemple, les établissements privés sous contrat du premier et du second degré auraient perçu environ 13,8 milliards d’euros en 2022, dont environ 10,4 milliards d’euros d’argent public. Le reste provenant des contributions des familles et des entreprises.
"Ramenons les choses à la réalité", lance Philippe Delorme. Ces 13 milliards d’euros sont pour lui "assez faibles", comparativement aux 168,8 milliards d’euros consacrés à la dépense intérieure d’éducation (en 2021). "C’est-à-dire que les 13 milliards ne représentent que 11,4% des dépenses publics pour l’enseignement alors que nous pesons près de 20% des élèves", souligne-t-il. Et le secrétaire général d’ajouter que le coût moyen d’un élève privé est deux fois moins élevé pour le contribuable que celui d’un élève public. "Donc nous faisons au moins aussi bien pour deux fois moins cher", insiste-t-il.
Ce qui peut expliquer le manque de données ainsi que les dérives et détournements possibles, c’est sans doute le manque de contrôles. "Le contrôle est absolument défaillant, notamment le contrôle financier, pointe Paul Vannier, qui précise qu’il est pourtant prévu par le code de l’éducation. D’après les calculs des co-rapporteurs, "au rythme actuel, il faudrait 1500 ans pour que tous les établissements privés sous contrat de France soient audités".
Un chiffre qui fait rire jaune Philippe Delorme, bien qu’il admette lui-même "rêver que tous nos établissements soient contrôlés. Pour constater la réalité des prix et voir que nos établissements sont plutôt dans une fragilité financière que dans une grande richesse. Nous, on n’a pas de soucis avec la transparence, bien sûr qu’on est pour le contrôle".
Afin de pallier ces manquements, les rapporteurs proposent d’augmenter les moyens des directions départementales des finances publiques, à qui reviennent la charge de ces contrôles. Ils suggèrent également que les recteurs établissent chaque année une liste d’établissements à auditer, à transmettre aux services des finances publiques.
Pour Paul Vannier, le problème de fond n’est pas tant que les établissements privés reçoivent autant d’argent public. Le député insoumis semble même trouver cela normal. Le cœur du problème réside plutôt selon lui dans le fait que les contreparties sont insuffisantes. "Là-dessus il y a une exception française", juge-t-il, en prenant l’exemple de la Belge où la part de financement public est aussi importante pour l’enseignement privé et public mais où les contreparties demandées aux établissements sont "beaucoup plus grandes".
Il pointe plusieurs aspects sur lesquels les établissements privés ne rempliraient pas le contrat républicain, notamment concernant la part d’élèves en situation de handicap, mais aussi concernant les politiques de santé publique. Par exemple, la campagne de vaccination contre le papillomavirus a été moins mises en œuvre dans les établissements privés que publics, selon le rapporteur.
Mais c’est surtout la mixité sociale et scolaire qui ne serait pas assez respectée dans les établissements privés selon le rapport. "La Cour des Comptes dit que la proportion d’élèves issus de classes socio-professionnelles très favorisées est passée de 20% à plus de 40% aujourd’hui dans les établissements privés sous contrat", illustre Paul Vannier, qui ajoute que "les établissements privés accueillent trois fois moins d’élèves boursiers". Une attitude qui participe selon lui à "la ségrégation socio-scolaire".
Faux, rétorque Philippe Delorme, pour qui les constations des rapporteurs sont "caricaturales" et "pas toujours bien étayées". "Ce qui est dit ne reflète pas la réalité de l’enseignement catholique", martèle-t-il, estimant que les contreparties au financement public sont largement respectées. "La première contrepartie qu’on doit nous demander c’est : 'est-ce que les 2 millions d’élèves que nous scolarisons sont bien instruits ? Est-ce que les attendus en terme de programmes et de réussite aux examens sont remplis ?' ". Des objectifs largement atteints selon le secrétaire de l’enseignement catholique.
Face au manque de mixité sociale, le co-rapporteur propose quoiqu’il en soit "d’introduire un système de malus qui verrait diminuer les moyens publics consacrés aux établissements publics qui contribuent à la ségrégation".
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