République démocratique du Congo
C'est une histoire poignante. Audrey Millet, historienne, raconte l'histoire d'Abdoul, migrant passé de Côte d'Ivoire en Italie. Dans un livre, "L'Odyssée d'Abdoul", on peut lire le parcours du jeune ivoirien, parti contre sa volonté, et les horreurs qu'il a vu et enduré sur son périple. Un trafic organisé, trop longtemps ignoré.
En 2024 dans la Manche 46 personnes ont perdu la vie en essayant de rejoindre les côtes anglaises. Selon l’ONU, l’année 2023 a été la plus meurtrière pour les migrants avec près de 8700 personnes décédées sur les routes migratoires. Abdoul, migrant ivoirien, raconte les dessous de ces sinistres chiffres. Des morts, il en a vu tout au long de son périple d’Afrique en Europe, de la Côte d’Ivoire à l’Italie en passant par le Niger et la Lybie. Accompagné par son amie, l'historienne Audrey Millet, il alerte sur la traite organisée d’êtres humains que subissent les migrants. Les deux ont co-écrits “L’Odyssée d’Abdoul, enquête sur le crime organisé”.
“L’Odyssée d'Abdoul" raconte le parcours de celui qui se présente comme “un jeune ivoirien”. Au départ, il ne demandait qu'à pouvoir exercer son métier de tailleur en Côte d’Ivoire. Un jour de 2015, on lui présente une opportunité professionnelle au Burkina Faso. Il accepte, avec en tête l’idée que “c’était juste aller travailler, avoir ma machine, et puis revenir en Côte d’Ivoire.” En fait, Abdoul est pris dans les pièges des trafiquants de migrants. Il ne pourra pas retourner en Côte d’Ivoire. À la place il est emmené au Niger puis en Libye.
J’ai pas voulu venir en Italie, ni en Europe. Je voulais juste travailler.
Lorsqu’on le déplace, c’est toujours en lui faisant miroiter un avenir meilleur. “On lui propose du travail et, à chaque fois, il n’y a pas de travail”, du moins, pas celui qu’il pensait. Abdoul va devenir esclave au profit de “maîtres” nigérians ou libyens qui le font travailler dans des usines au milieu du désert. “On le fait travailler 14 heures par jours. Il peut à peine se payer du riz.”, raconte Audrey Millet. Là, il perd tout moyen de contacter ses proches. Il est dans un pays dont il ne parle pas la langue. Abdoul se retrouve esseulé dans une horde d'esclaves.
De “marché aux esclaves” en usines illégales, du fait des mauvais traitements et des conditions de travail, Abdoul finit avec “une jambe pourrie”. Les trafiquants prennent la décision de le déplacer en Europe et de lui faire traverser la Méditerranée en zodiac. “Il y a eu un mort pendant cette traversée”. De l’île italienne de Lampedusa, point de passage presque obligé des migrants illégaux, il est ensuite transporté à Naples puis à Prato par la mafia italienne, la Camara. Il continue son travail de tailleur, d’abord de manière illégale, puis de façon de plus en plus régularisée “il arrive quand même à avoir des CDD, à avoir des CDI. Et maintenant ça va.”
Il y a eu un mort pendant cette traversée de la Méditerranée.
C’est en Italie qu’Abdoul rencontre Audrey Millet, au hasard d’un passage piéton de Prato. L’historienne qui avait déjà dénoncé les travers de la mode, est sensible à son histoire et utilise son témoignage pour décrire de manière plus synchronique le “crime organisé” autour des migrants.
L’histoire d’Abdoul n’est pas unique, selon l’historienne Audrey Millet. À notre antenne, elle décrit avec précision l’organisation des trafics d’humains menés dans le Sahara par “une très très grande partie de Nigérians”. Pour elle, l'argent issu de la traite d’humains permet de transporter des migrants depuis les régions subsahariennes jusqu’au cœur du désert sans les faire payer, comme cela a été le cas pour Abdoul. Là, les migrants sont vendus comme des esclaves dans des marchés “où on met les noirs d’un côté, les prépubères de l’autre, les vierges au milieu”. D’après ses sources, un esclave sur ces marchés “vaut 300 euros à peu près”. Ils deviennent rentables en travaillant dans des usines où ils ne sont pas payés.
Il y a des marchés aux esclaves où on met les noirs d’un côté, les prépubères de l’autre, les vierges au milieu.
Pour l'historienne Audrey Millet, l’histoire d’Abdoul n’est pas unique. À notre antenne, elle décrit avec précision l’organisation des trafics d’humains menés dans le Sahara par “une très très grande partie de Nigérians”. Selon elle, l'argent issu de la traite d’humains permet de transporter des migrants depuis les régions subsahariennes jusqu’au cœur du désert sans les faire payer, comme cela a été le cas pour Abdoul. Là, les migrants sont vendus comme des esclaves dans des marchés. “O met les noirs d’un côté, les prépubères de l’autre, les vierges au milieu”, raconte-t-elle. D’après ses sources, un esclave sur ces marchés “vaut 300 euros à peu près”. Ils deviennent rentables en travaillant dans des usines où ils ne sont pas payés, ou bien en donnant leurs organes qui seront ensuite revendus.
En Italie une grande partie des migrants doivent travailler illégalement pour la Camorra, la mafia locale. Ils sont désormais au contact d’autres populations immigrées, déplacées en leur promettant du travail. "Ils font tout dans l'illégalité. Dans le pur esclavage moderne. Les gens travaillent 14 h par jour, ils n'ont pas de contrat de travail ou de faux contrats de travail et ils sont payés 20€ par jour alors ils travaillent 7 jours sur 7. Il y a même certains Chinois qui ne sortent jamais de l'usine.”
Il y a même certains Chinois qui ne sortent jamais de l'usine.
Le témoignage poignant d’Abdoul est une alerte, un appel au secours, pour tous les migrants qui n’ont pas pu faire entendre leur voix. La situation est d’autant plus alarmante que grand nombre d’autres pays africains sont épinglés pour mauvais traitement des migrants sur leur territoire. Des enquêtes ont notamment révélé que la Mauritanie et l’Algérie abandonnent volontairement des migrants, femmes enceintes et enfants compris, à leur sort dans le désert.
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