C'est un record spectaculaire. Plus de 10.300 adultes et plus de 7.400 adolescents recevront le baptême à Pâques en 2025. Soit + 45 % pour les adultes et 33 % pour les jeunes. C'est plus de 5.000 baptêmes supplémentaires par rapport à 2024. Alors que de plus en plus de catéchumènes frappent à la porte de l'Église, cette dernière se trouve face à un double défi, à la fois missionnaire et organisationnel. Comment accueillir, accompagner et former spirituellement ces nouveaux venus en quête de foi, tout en structurant les communautés chrétiennes pour répondre à cette dynamique nouvelle ? Une émission Je pense donc j'agis présentée par Pauline de Torsiac et Melchior Gormand.
L’année 2024 a été une année surprenante pour l’Église en France. Avec 7.000 catéchumènes à ses portes, l’Église est de plus en plus sollicitée. Cette année, le cap sera dépassé à Pâques avec plus de 10.300 adultes baptisés et plus de 7400 adolescents. Dans le feu croisé du manque de moyens et de la diminution de prêtres, l’Église doit faire face à un double défi, tant pour sa réorganisation que sur l’aspect missionnaire. Une véritable réforme de la mission travaille l’esprit des responsables religieux.
Du 31 mars au 4 avril 2025, les évêques de France se sont réunis à Lourdes pour une nouvelle assemblée plénière. Parmi les thèmes abordés, Monseigneur Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, nouvellement nommé à la tête de l’Église française, souligne la problématique de l’accompagnement des jeunes catéchumènes dans la foi.
Avec près d'une centaine de diocèses répartis dans tout le territoire grâce aux 10 000 entités paroissiales, l’Église est présente à la fois en métropole et dans les campagnes. Malgré ce maillage, des croyants ou des néophytes en quête de foi ne trouvent pas toujours bon port dans leur quête spirituelle. Pour contrer ces problématiques, les responsables religieux doivent redoubler d’imagination. Le père Matthieu Thouvenot, vicaire général du diocèse de Lyon et responsable de 70 entités paroissiales, travaille sur la question. "L'idée, ce n'est pas de changer le nombre, mais de s’adapter avec des fraternités missionnaires et paroissiales. Dans les villages, même si le curé habite à 30 km, un petit groupe de chrétiens vivant leur vie de foi localement peut compléter cette quête missionnaire", témoigne-t-il.
Le réseau de coachs chrétiens Talenthéo, constate que les choix organisationnels ne datent pas d’hier. "En France on hérite de Descartes et on a tendance à séparer les choses", raconte Olivier, fondateur du réseau. À contre-courant des anciennes structures, l’heure est à la réforme. "L’idée est de mutualiser les forces pour garder la proximité, pour avoir du temps avec les jeunes", soutient Monseigneur Pierre-Antoine Bozo, évêque de Limoges.
L’Église a depuis longtemps un système interne très vertical. Les réformes en vue semblent redessiner les rapports pour une structure plus horizontale. Cette transformation se fait notamment par l’aide plus importante des laïcs et des fraternités chrétiennes pour amorcer les vagues de catéchumènes. L'accompagnement se fait aussi vers le haut avec du conseil pour les prêtres dans la gestion de leurs paroisses. Le fondateur de Talenthéo participe à cette restructuration en “accompagnant les diocèses dans leurs visions pastorales”. Parfois isolées ou peu formées dans la gestion, ces initiatives renforcent les institutions à tous les étages. La diminution du nombre de prêtres les engage plus dans leurs tâches de gestion.
Être missionnaire ne coûte pas beaucoup d’argent, c’est surtout du cœur
Face aux difficultés économiques, l'évêque de Limoges relativise : “trop de moyens économiques ne sont pas forcément plus évangéliques et évangélisateurs”, un argument appuyé par le fondateur de Talenthéo : "être missionnaire ne coûte pas beaucoup d’argent, c’est surtout du cœur. Nos contemporains ont le cœur et soif de Jésus.”
Le défi majeur de l'Église s’incarne par ces nouveaux catéchumènes. Plus jeunes et plus nombreux, en dix ans, la moyenne d'âge du baptême est passée de 40 à 30 ans. Pour l'évêque de Limoges, Pierre-Antoine Bozo, ”les catéchumènes sont un des thèmes principaux”. Il admet que “les propositions n'étaient pas adaptées. Nous essayons de nous adresser aux jeunes catéchumènes”. Alors que beaucoup de nouveaux croyants arrivent sans l’intervention de l’Église, le père Matthieu Thouvenot interprète cette arrivée : "je le prends comme un encouragement, ça montre que c’est le Seigneur qui touche les cœurs, pas nous. On doit redoubler d’efforts et les inclure dans nos communautés" .
Les statistiques montrent que 80 % des néophytes décrochent cinq ans après le baptême
Le constat du réseau Talenthéo est sans équivoque. Les années charnières qui maintiennent les catéchumènes sont les cinq premières années après le baptême. "Les statistiques montrent que 80 % des néophytes décrochent cinq ans après le baptême", déplore Olivier, fondateur du réseau. C'est ce que raconte Camille, une auditrice de l'émission : "au bout de six mois de baptême, j'étais lâchée par ma paroisse. J’ai eu de la chance de rencontrer Dieu au plus profond de mon cœur. Ça fait cinq ans que je n’ai pas trouvé de paroisse".
La foi est un feu qui s’entretient. Le père Matthieu Thouvenot “recommande aux catéchumènes d’intégrer une fraternité un an avant leur baptême. C'est un groupe d’environ 10 personnes qui se connaissent bien. On encourage les fraternités de catéchumènes et de missionnaire, qui sont dans l’entraide. Ils prient pour eux et ils les accueillent". Ce modèle de fraternité est de plus en plus récurrent dans les discours des responsables religieux. Il démontre que les changements viennent davantage des croyants que de la haute hiérarchie religieuse.
L’idée d’apporter des changements dans l’accompagnement dans la foi des croyants par les laïcs gagne de plus en plus les esprits. Le fondateur de Talenthéo invite les prêtres qu’ils accompagnent dans le réseau à se poser des questions. “Quelle est notre vision pastorale ? Comment inviter les laïcs à être les pasteurs de leurs frères ?". Il ajoute que "là, il y a une piste très prophétique. Il faut plus voir les paroisses comme des communautés dans les communautés". Le diocèse de Lyon est parmi les premiers à emprunter ce mode de fonctionnement et à l’exploiter sur un large territoire. “Il y a quelques mois, il y avait 17, 18 (fraternités), mais ça s’est décuplé", explique le vicaire général du diocèse de Lyon.
Quelle est notre vision pastorale ?
Au lieu d’avoir une grande entité monolithique, le diocèse de Lyon vise à créer des institutions plus légères. "Nous avons 30 paroisses, 67 prêtres dans l’administration, mais il y en a 45 sur le terrain, réellement actifs. Il faut faire des paroisses des structures plus légères", raconte Matthieu Thouvenot. En fonctionnant de cette manière, il soutient que des personnes comme l'auditrice Camille peuvent trouver un diocèse plus solidaire et plus accueillant. “C’est ça qu’on veut éviter. Si on donne naissance dans le monde chrétien, il faut inviter dans cette fraternité. Dans une partie de notre diocèse, je sais que je ne serai pas abandonné après mon baptême, car je fais déjà partie d’une fraternité. C'est là que va se poursuivre sa foi", précise-t-il.
En donnant des responsabilités aux laïcs, les responsables religieux soutiennent qu’il faut tout de même ne pas dissocier les prêtres de leur travail de mission et d’accompagnement. Ils voient les fraternités comme des alliés solides dans l’accompagnement de la foi, mais non pas comme le centre de l’accompagnement face aux nouvelles vagues de catéchumènes. Le père Matthieu Thouvenot explique que “pour que la fraternité soit durable, le responsable de fraternité doit être nommé par le curé. Il faut que quelqu'un soit responsable de la fraternité”. Une hiérarchie, même au sein de ces fraternités, est nécessaire afin que tous soient accompagnés et entendus.
On essaie de créer quelque chose comme Familya
Les formations des prêtres sont aussi un aspect à surmonter dans cette restructuration. À Limoges, "on essaie de créer quelque chose comme Familya", une association qui apporte son soutien aux familles pour mieux vivre leurs relations, explique l’évêque. "Beaucoup de gens demandent des formations, mais elles sont très onéreuses. On ne peut pas former sans faire d’effort. Il faut revoir nos propositions pour qu’elles soient adaptées". Le fondateur de Talenthéo soutient que “pour apprendre, il faut aussi une expérience pratique. Prendre soin d’une communauté, ça s’apprend". Ces formations nécessitent de l’investissement. “On essaie de proposer des formations, ensuite, il ne suffit pas d’écouter un podcast, il faut du savoir-faire et le savoir-faire, ça se fait dans le temps", rappelle le père Thouvenot.
L'évêque de Limoges voit cette transformation d’un bon œil : ”on a plein de réformateurs dans le monde anglo-saxon, mais je pense qu’il n’y a pas de solution miracle. Par exemple, comme le diocèse de la Creuse qui fait des tournées en camping-car avec ses paroissiens, je plaide pour la pluralité des initiatives".
Chacun doit se laisser renouveler
L’heure est à la remise en question. “On est sur un roc qui est le Christ. Chacun doit se laisser renouveler. Il faut que les pasteurs soient à l'écoute de la créativité de leurs fidèles", précise l'évêque de Limoges. Le père Matthieu Thouvenot soutient son confrère : "l’idée, c'est d’augmenter les rencontres, c’est dans ces rencontres qu’on remplit la mission”. Se réinventer, trouver l’équilibre entre laïcs et Église, se remettre en question et regarder vers l’avenir, tant d'enjeux qui dessinent les lignes de l'Église de demain. Du point de vue de ces responsables, l’Église a un bel avenir, misant sur la créativité de chacun pour construire une foi plus communautaire et plus durable.
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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