Le Parti démocrate est réuni cette semaine pour leur convention qui doit officiellement porter Kamala Harris comme candidate dans la course à la Maison Blanche. Au-delà de cette intronisation sans suspens depuis le retrait de Joe Biden, l’enjeu pour les démocrates est de retrouver un véritable élan. Le mouvement est déjà amorcé autour de la vice-présidente, mais doit maintenant être confirmé.
Les démocrates parlent de “célébration” pour évoquer l’investiture officielle de Kamala Harris comme candidate pour la présidentielle. Rares sont ceux qui auraient prédit, il y a un mois, que cette convention du Parti démocrate susciterait autant de ferveur. Les démocrates s'attendaient à faire campagne sans passion pour le président octogénaire, embourbé dans les sondages. Mais depuis l'incroyable retrait de Joe Biden le 21 juillet, ils se prennent à rêver à nouveau d'une victoire grâce à leur candidate de 59 ans, qui est en avance sur Donald Trump dans la majorité des enquêtes d'opinion. “Ce n'est plus impossible”, confirme Lauric Henneton, spécialiste d’histoire et de civilisation américaine et maître de conférences à l'Université de Versailles-Saint-Quentin.
En l’espace d’un mois, la vice-présidente des États-Unis a déjà réussi un premier exploit : sortir le Parti démocrate de la léthargie dans laquelle l’avait plongé Joe Biden. “La campagne était complètement figée”, rappelle Lauric Henneton. “Kamala Harris était deuxième sur le ticket et on avait une campagne beaucoup plus morne, menée par deux vieux messieurs qui s'écharpaient à coup de nom d’oiseau dans un climat de violence politique hors du commun”, abondait fin juillet Jean-Eric Branaa, maître de conférences à l’université Paris II et spécialiste des États-Unis. “Nous n’avions plus envie de s'intéresser à cette campagne” affirmait-il. Aujourd’hui, la course démocrate a retrouvé une véritable vitalité.
“Kamala Harris n'est pas donnée gagnante, mais elle a fait en trois semaines ce que Biden n'avait jamais réussi à faire, c'est-à-dire complètement remobiliser son camp et faire évoluer les électorats à la fois démocrates et indépendants, dans une direction qui est beaucoup plus favorable que tout ce que Biden avait fait auparavant” juge Lauric Henneton. Cette dynamique permet également au Parti démocrate d’afficher une unité retrouvée, loin des dissensions exprimées ces derniers mois autour de la candidature de Joe Biden. “Kamala Harris n’a pas de rival au sein du Parti démocrate” assure Françoise Coste, professeure d’études américaines à l’Université Toulouse Jean-Jaurès.
La stratégie de Harris est tournée vers l'avenir, vers l'après-Trump, vers quelque chose de plus collectif et de plus positif
C’est finalement un retour à la normale quant au scénario initialement prévu. Joe Biden est redevenu le président de transition qu’il avait promis d’être et qui fait la courte échelle à Kamala Harris. Et cela s’accompagne d’un changement d’angle d’attaque selon Lauric Henneton : “Il y a un changement de stratégie. Biden appuyait sur le risque Trump et le danger qu'il représentait pour la démocratie quand la stratégie de Harris est plus tournée vers l'avenir, vers l'après-Trump, vers quelque chose de plus collectif et de plus positif.”
L’enjeu de cette convention est justement de retrouver l’énergie des campagnes démocrates de Barack Obama. “Il s'agit de mobiliser les troupes, c'est-à-dire les gens qui vont aller faire du bénévolat pour la campagne et ceux qui vont voter, par un message d'espoir qui rappelle un petit peu la campagne de Barack Obama en 2008, qui est en gros la dernière vraie campagne positive des démocrates, avec un vrai mouvement” diagnostique Lauric Henneton.
Le chercheur différencie une campagne et un mouvement qui n’impliquent pas la même dynamique selon lui. “Une campagne est un peu générique alors qu'un mouvement est quelque chose de beaucoup plus porteur” juge-t-il. Il s’agit de contraster avec le pessimisme ambiant de la campagne de Trump. Justement, Michelle et Barack Obama, toujours aussi populaire, vont s’exprimer mardi soir à la convention démocrate. "C'est l'un des meilleurs orateurs de notre temps" et "il est très bon quand il s'agit de faire grimper le niveau d'énergie et mobiliser les bénévoles", explique à l'AFP Ted Hiserodt, 56 ans, délégué de l'Arizona. L'objectif de cette deuxième journée de la convention est, selon les démocrates, de dérouler "une vision ambitieuse pour l'avenir de l'Amérique".
Un autre atout dans cette quête pourrait être le colistier choisi par Kamala Harris pour l'épauler dans cette campagne : Tim Walz. Pas franchement connu en dehors des frontières de son État du Minnesota, ce sexagénaire a passé de longues années dans le milieu de l'enseignement, notamment en tant que professeur de géographie et coach de football américain. “Il est très très bon pour motiver les troupes et les foules sans prompteurs” estime Lauric Henneton. “Cela va être un bon atout pour compléter le profil de Kamala Harris”.
En janvier 2019, Tim Walz accède au poste de gouverneur du Minnesota, un État de la région des Grands Lacs, frontalier du Canada. À peine un an plus tard, il est contraint de jongler avec deux crises majeures : la pandémie de Covid-19 et la mort de l'Afro-Américain George Floyd, sous le genou d'un policier blanc. Minneapolis, la plus grande ville de l'Etat, s'embrase, le point de départ d'un immense mouvement de manifestations anti-racistes qui secoue l'Amérique durant de longs mois.
Les républicains accusent le gouverneur d'être trop laxiste dans sa gestion de la criminalité, quand les démocrates louent au contraire son bilan en matière de protection du droit à l'avortement. Après l'arrêt de la Cour suprême de juin 2022, annulant la protection constitutionnelle de l'IVG, Tim Walz s'est en effet engagé à faire de son État un sanctuaire pour les femmes cherchant à avorter.
Cette convention démocrate est cruelle pour l’actuel président des États-Unis. Vainqueur de Trump à la dernière présidentielle, sauveur des démocrates il y a quatre ans, Joe Biden, 81 ans, comptait venir à Chicago récolter l'investiture de son parti. Pour l’ouverture de la convention, il a finalement passé le flambeau à Kamala Harris sous les vivats et dans les larmes des délégués de la convention démocrate, avec un long discours aux accents testamentaires.
Libéré sur la question de son âge, son retrait lui permet maintenant de jouer à fond la carte du serviteur qui a donné sa vie au pays. “Pendant cinquante ans, j'ai donné mon cœur et mon âme au pays", a rappelé Joe Biden en forme d’adieu avant d'enchaîner : "Amérique, pour toi, j'ai tout donné. J'ai fait beaucoup d'erreurs dans ma carrière. Mais je t'ai tout donné. Cela a été l'honneur d'une vie d'être votre président. J'aime ce boulot, mais j'aime encore davantage mon pays". Finalement, il a lui-même promis d’être le "meilleur bénévole" dans la campagne de la vice-présidente de 59 ans, qui l'a rejoint sur scène pour une étreinte.
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