Chaque année des millions de personnes rendent visite à leurs proches défunts au cimetière, à l’occasion de la Toussaint le 1er novembre. Mais ce chiffre baisse d’années en années, et les rites funéraires dans leur ensemble ont tendance à s’amenuir. Un nouveau rapport à la mort et à la mémoire que commente Damien Le Guay, philosophe et président du Comité national d'éthique du funéraire, dans notre émission Voyage intérieur.
34%, c’est la part de personnes de plus de 40 ans affirmant se rendre au cimetière à la Toussaint, d’après la dernière étude réalisée en 2019 par le Credoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie) et la Csnaf (Chambre syndicale nationale de l’art funéraire). C’est 12 points de moins qu’en 2009. "Tout ce qui nous apparaissait naturel et évident s’est progressivement étiolé en l’espace de 30-40 ans", constate Damien Le Guay.
Outre la baisse de fréquence des visites au cimetière, de nombreux rites funéraires comme arrêter le temps social quelques jours, mettre du noir, veiller les morts, accompagner les mourants ou rendre visiter aux endeuillés, ont peu à peu disparu. Un changement d’habitudes qui rend le deuil plus difficile à traverser d’après l’enseignant à l'Espace éthique de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) : "Tout ce qui vient perturber le rite, le rendre moins lisible, moins compréhensible, lui fait perdre son efficacité."
Or, des intérêts, les rites funéraires en ont beaucoup. D’après le philosophe, ils permettent à la fois de "donner la paix dans ce désordre, ce tsunami intérieur qu’est un chagrin ; de passer à autre chose sans abandonner ou oublier ; et d’établir une frontière entre les vivants et les morts pour ne pas vivre dans le monde des confusions, c’est-à-dire le monde des fantômes, des zombies".
Cinq millions de personnes sont atteintes d’un deuil puissant et il dure au moins cinq ans
"Pourquoi faudrait-il que le deuil visible disparaisse alors qu’il n’est pas honteux, et que tout le monde comprend que l’on a besoin de l’attention des autres pour aller mieux ?" s’interroge l’auteur de "Qu’avons-nous perdu en perdant la mort ?" (éd. Cerf, 2003). Parce que le deuil est à la fois difficile et indispensable, Damien Le Guay plaide pour "une société qui fait place aux fragilités", en opposition à la société "des apparences".
Il imagine ainsi la création "d’un guichet unique pour que le deuil soit reconnu" et la reconnaissance du deuil comme une maladie, parce qu’il prend du temps, affirme le maître de conférences qui s’appuie sur ce chiffre : cinq millions de personnes sont atteintes d’un deuil puissant et il dure au moins cinq ans. Dans une autre étude de 2021, le Credoc a d’ailleurs constaté un certain nombre de maladies (12%) et de douleurs (28%) induites par le deuil.
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