Dans l’après-midi de jeudi dernier, le quatrième et dernier volume de la neuvième édition du Dictionnaire de l’Académie française a été remis au Président de la République sous la Coupole. Cet ouvrage, disponible dès cette semaine en librairie, est également accessible gratuitement de A à Z sur Internet. Jean Pruvost, l'un des invités à ce moment historique, a souhaité partager avec nous quelques mots à ce sujet.
En effet, cette cérémonie fut très émouvante, en présence de tous les académiciens, sous la présidence du Secrétaire perpétuel, Monsieur Amin Maalouf, accompagné au pupitre par Pascal Ory et Daniel Rondeau, respectivement directeur et chancelier de l’Académie française, des fonctions renouvelées chaque trimestre. Pascal Ory ouvrit la séance avec des mots d’introduction remarquables, rappelant que Richelieu, découvrant un groupe de lettrés passionnés par la langue française, les institua en 1635 en tant qu’Académie française. Cette Académie, dont il fut le premier protecteur, transmit ce titre à sa mort au chancelier Séguier, avant qu’il ne revienne, en 1672, au Roi lui-même. Ce transfert libérait ainsi l’Académie des pouvoirs intermédiaires et renforçait son autonomie. Depuis, les rois, puis les présidents de la République, ont porté ce titre de protecteur, d’où la tradition selon laquelle l’Académie, représentée par son Secrétaire perpétuel, remet officiellement le dictionnaire au Président de la République. C’est ainsi que nous avons eu droit à deux discours d’excellence, celui d’Amin Maalouf et celui d’Emmanuel Macron.
N’hésitez pas à regarder et écouter toute la cérémonie sur YouTube, en recherchant "Présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l’Académie française à l’Institut de France." Pour profiter pleinement des trois discours, déplacez le curseur au tout début de la vidéo. Les résumer en trois minutes est évidemment impossible. Amin Maalouf, en saluant la mémoire d’Hélène Carrère d’Encausse et d’Yves Pouliquen – à qui l’on doit le portail numérique qui offre gratuitement les neuf éditions en ligne –, a rappelé combien le dictionnaire est une œuvre collective. Elle résulte d’abord du travail préparatoire d’un Service du dictionnaire, d’une qualité exceptionnelle tant sur le plan humain que professionnel, qui réunit notamment des linguistes. Elle est ensuite enrichie par une Commission composée de femmes et d’hommes de lettres, académiciens passionnés.
Le président de la République a, à cet égard, salué Frédéric Vitoux, romancier et essayiste dévoué au dictionnaire, ainsi que plusieurs académiciens aux compétences complémentaires : Dany Laferrière, Barbara Cassin, Danièle Sallenave, Jean-Luc Marion, Michel Zink, Michael Edwards, Dominique Fernandez, Pascal Ory, et bien sûr Amin Maalouf, qui assure la direction de la Commission. Vient enfin l’étape des séances plénières, rassemblant tous les académiciens le jeudi après-midi. Qui pourrait, de bonne foi, affirmer qu’il n’y a pas de linguistes au sein de l’Académie ? Outre ceux du Service du dictionnaire, on y trouve des figures comme Michel Zink, Barbara Cassin ou Michael Edwards, parfaitement bilingue. Sans oublier François Cheng, d’origine chinoise, Maurizio Serra, italien, ou encore Mario Vargas Llosa, de langue espagnole.
J’ai détaillé ses spécificités sur cinq pages sur le site de L’Express, mais voici l’essentiel : les neuf éditions du dictionnaire, de 1694 à 2024, sont accessibles gratuitement en ligne, un cas unique au monde. La dernière édition contient près de 60 000 articles, chacun comprenant une notice étymologique, un développement détaillé, et, en fin d’article, des liens vers des rubriques comme "Dire, ne pas dire", FranceTerme (une base de 8 000 termes techniques), les mots de la francophonie, ou encore des courriers d’internautes.
Il est regrettable d’entendre, parfois sur un ton curieusement agressif, des critiques injustifiées, voire mensongères, à l’encontre de ce dictionnaire, conçu avec compétence et passion, et offert gratuitement au public. Ce travail suscite l’admiration de nos amis étrangers. Pour ma part, en tant qu’amoureux des mots, ce dictionnaire m’émerveille. Je m’en sers quotidiennement, et je me réjouis de savoir les académiciens déjà à l’œuvre pour la 10e édition. Avec sérieux et discrétion, ces femmes et ces hommes, épaulés par plus de 400 savants représentant l’Institut et ses cinq Académies, poursuivent une mission essentielle. Il serait bien ingrat de leur adresser des reproches infondés.
Pour le plaisir, consultez l’article "mot" dans l’édition de 1694 : vous y découvrirez ce qu’était alors un "mot consacré." Vive toutes les éditions du Dictionnaire de l’Académie française, avec très bientôt, en ligne, les premiers mots de la 10e édition ! Merci à l’Académie.
Jean Pruvost, lexicologue passionné et passionnant vous entraîne chaque lundi matin dans l'histoire mouvementée d'un simple mot, le mot de la semaine !
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