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Fin de vie : les questions des soignants chrétiens

RCF, le 10 juin 2024 - Modifié le 11 juin 2024
Je pense donc j'agisFin de vie : les questions des soignants chrétiens

Avec la dissolution de l’Assemblée nationale, les débats sont suspendus et la lecture des textes abandonnée. L’Assemblée nationale avait adopté six des vingt-et-un articles du projet sur la fin de vie. Qu'en retenir ? Quels regards les soignants chrétiens avaient-ils sur "l'aide à mourir" et le modèle défendu par Emmanuel Macron ?

Séance publique suite à la discussion du projet de loi relatif à "l'accompagnement des malades et de la fin de vie" au Palais Bourbon, hémicycle de l'Assemblée nationale, le 06/06/2024 ©Xose Bouzas / Hans LucasSéance publique suite à la discussion du projet de loi relatif à "l'accompagnement des malades et de la fin de vie" au Palais Bourbon, hémicycle de l'Assemblée nationale, le 06/06/2024 ©Xose Bouzas / Hans Lucas

Ce lundi 10 juin, les députés devaient entrer dans la dernière semaine d’examen du projet de loi fin de vie. Ils devaient notamment échanger sur la "procédure de l'aide à mourir" avant un vote prévu pour le 18 juin. Avec la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée à la suite des résultats des élections européennes, les débats sont suspendus et la lecture des textes abandonnée. Nul doute que le sujet reviendra tôt ou tard dans les débats parlementaires. Difficile toutefois de savoir quelles nouvelles orientations seront prises après les élections législatives qui se tiendront les 30 juin et 7 juillet 2024.

Débat sur la fin de vie : où en étaient les députés ?

L’Assemblée nationale avait adopté six des vingt-et-un articles du projet de loi. Et notamment l’article 5 qui définit l’aide à mourir et l’article 6 qui énonce les conditions requises pour recourir à l’aide à mourir. Selon l’article 5, adopté jeudi 6 juin, à 88 voix contre 50, l’aide à mourir consiste "à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale". 

Les députés avaient supprimé dans l’article 5 la possibilité pour un proche d’administrer la substance létale. Cela a été repoussé "à une voix simplement", relève la théologienne Marie-Dominique Trébuchet.

L’article 6 portant sur les cinq critères d’accès à l’aide à mourir avait reçu 51 voix favorables – et 24 contre. Sur les 577 députés, seuls 76 étaient présents ce vendredi 7 juin dans l’hémicycle. "Quand on voit des articles extrêmement importants et vraiment avec des enjeux très, très forts qui sont adoptés à peine avec une centaine de députés, on peut vraiment se poser des questions sur la société dans laquelle nous vivons", regrette Marie-Dominique Trébuchet.

 

Un projet qui suscitait beaucoup d’inquiétudes

Ce projet de loi inquiétait très fortement les opposants à l’euthanasie et au suicide assisté. Et parmi eux, de nombreux chrétiens. Se sont entre autres exprimés contre cette loi les Associations familiales catholiques (AFC), l’Office chrétien des personnes handicapées (OCH), ainsi que la présidente du Secours catholique - Caritas France.

Plusieurs associations de soignants dont la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) avaient dénoncé son caractère très "permissif". Ainsi la théologienne Marie-Dominique Trébuchet, membre du conseil scientifique de la SFAP, dénonce un projet de loi "extrêmement permissif" et qui "n’existe nulle part". Enseignante à l’Institut catholique de Paris (ICP), elle a été bénévole en soins palliatifs à la maison médicale Jeanne-Garnier à Paris, avant de devenir membre de la cellule de veille bioéthique du diocèse d’Angers.

Les évêques de France se sont également exprimés : "La demande de suicide assisté ou d’euthanasie est souvent l’expression d’un sentiment de solitude et d’abandon auquel nous ne pouvons ni ne devons nous résoudre, ont-ils écrit dans un communiqué lors de leur assemblée plénière, en mars dernier. Plus la solidarité avec les personnes les plus fragiles progressera, plus notre pays avancera sur un chemin renouvelé de fraternité, de justice, d’espérance et de paix."

 

Que restera-t-il de ces débats ?

Emmanuel Macron voulait un modèle français sur "l’aide à mourir". En d’autres termes, pour Marie-Dominique Trébuchet, "il s’agissait de pouvoir ouvrir au suicide assisté et à l’exception, l’euthanasie". Ce projet de loi allait-il à l’encontre du développement des soins palliatifs ? C’était l’une des critiques formulées.

"En France, le délai moyen pour avoir droit à une consultation pour des douleurs chroniques est de six mois", rappelle le Dr Hubert Tesson, médecin-chef à la clinique Sainte-Élisabeth de Marseille. Ainsi, avec ce projet de loi on pouvait craindre selon lui que cela devienne "beaucoup plus facile d’avoir une réponse à une demande d’euthanasie et d’être aidé à disparaître plutôt que d’avoir accès à des soins de la douleur de qualité". 

Soins palliatifs et euthanasie s’opposent-ils ? Peuvent-ils être complémentaires ? "En Belgique, nous n’opposons pas soins palliatifs et euthanasie", témoigne le Dr Corinne Van Oost. Catholique, médecin dans un service de soins palliatifs en Belgique, elle pratique l’euthanasie ou le suicide assisté. Un positionnement qu’elle a défendu en 2014 dans son livre "Médecin catholique pourquoi je pratique l’euthanasie" (éd. Presses de la Renaissance).

"Dans l’équipe de soins palliatifs à domicile dans laquelle j’ai travaillé, dit-elle, il y a encore aujourd’hui 20% des patients qui demandent l’euthanasie. Ils le demandent dans la très grande majorité des cas quand les médecins leur annoncent qu’ils ne pourront pas les guérir. Mais ils ne demandent pas qu’on les tue tout de suite, ils disent : Je ne veux pas souffrir à la fin de ma vie et donc comme je ne suis pas sûr que les soins palliatifs vont pouvoir m’apporter cette non-souffrance, je prends la précaution de dire que si je souffre, je demande une aide à mourir."

Or, pour le Dr Tesson, "l’interdit de tuer quand il est intégré, quand on se l’approprie, pour tous les médecins c’est un excellent dynamiseur de nos compétences. Ça nous pousse à être plus compétent…" Et à tout faire pour soulager la douleur du patient.

 

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