LA TRIBUNE DE BENOIST DE SINETY - Benoist de Sinety évoque ses souvenirs des anniversaires du D-DAY, au lendemain des commémorations. L'image des vétérans assis au premier rang durant les cérémonies l'a marqué.
« Je vais me lever ! » le vieillard repousse fermement du regard ceux qui lui conseillent de rester assis sur le fauteuil d’invalide où on l’a installé. Les mains sur les accoudoirs, soutenus par quelques bras fraternels, il se redresse et plonge son regard dans celui du Président qui vient le décorer. Ils étaient onze hier. Onze anciens combattants états-uniens à recevoir l’insigne de chevalier de la Légion d’honneur, au cimetière américain, sous le ciel bleu de Normandie.
Parmi eux, Robert Pedibo, né en 1923 et démobilisé en septembre 45, c’est lui qui voulut le premier se lever. Il y avait aussi Edward Berthold, né le... 20 novembre 1919 à Chicago, qui compte à son actif trente-cinq missions et qui combattra jusqu’en novembre 1945. Ils sont les derniers centenaires, qui manifestent la multitude de ces jeunes gens qui, il y a quatre-vingt ans, n’ont pas hésité à se ruer sur les plages françaises pour en repousser le mal.
Car c’est bien de cela qu’il s’agissait, non pas simplement d’une guerre comme les autres, mais de la confrontation entre deux modèles de civilisation. D’un côté, l’aspiration à la liberté et à la fraternité, avec toutes les ambiguïtés que cela peut comporter. De l’autre, la glorification païenne de la race et l’anéantissement de peuples jugés impurs ou inutiles. Le nazisme, tout comme le communisme, son identique opposé, ont poussé vers la mort des centaines de millions d’hommes et de femmes, d’une manière systématique, cynique. Qu’il y ait eu un peu partout dans le monde des hommes prêts à mourir pour mettre fin à cette folie est la meilleure réponse aux sceptiques et aux misanthropes.
Des bibliothèques ont été remplies d’ouvrages d’historiens et d’analystes relevant les jeux politiques entre puissances et les tractations parfois peu reluisantes entre chefs d’État au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il suffisait de regarder hier les yeux de ces vieillards debout, fixant profondément ceux qui les décoraient, pour comprendre qu’eux avaient accompli ceux qu’ils eurent à faire en ayant une profonde conscience de se battre pour le bien.
On ne feint pas à 105 ans. Surtout quand on avait 25 ans en 1944.
Je regardais l’autre soir, la fin du célèbre film « Le jour le plus long », rediffusé pour la énième fois. Envahi par l’émotion, je me souvenais de cette soirée où, en famille, pendant l’été, il m’avait été donné de le découvrir. J’avais peut-être 8 ou 9 ans. J’entendais mon arrière-grand-mère et ma grand-mère en commenter les scènes, couper leurs respirations dans les moments de combats, rire pour les scènes cocasses, souligner par des échanges sibyllins tel ou tel fait majeur à leurs yeux comme la bravoure d’un aumônier, ou de religieuses se portant volontaires pour soigner les blessés... Elles voyaient un instant majeur de leur histoire et, retrouvant leurs jeunesses d’alors, elles applaudissaient tout en pleurant devant tant de courages. « Qu’ils sont beaux » dit mon aïeule en guise de conclusion. Hier, devant ces hommes perclus de vieillesses, croisant leurs regards sur mon écran de télévision, je l’entendais encore et, avec elle, je le redis avec gratitude et émerveillement : « oui, qu’ils sont beaux ! »
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