Nous aspirons tous à être heureux. L’Évangile a son mot à dire sur le sujet. Mais c’est une parole qui risque de bien de décaper nos croyances et nos attentes. Dans l’évangile de ce dimanche, on découvre le bonheur tel que Jésus le promet. Explications de Patrick Laudet, diacre du diocèse de Lyon.
Évangile du dimanche 29 janvier (Mt 5, 1-12)
Voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui. Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait.
Il disait : « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés. Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! »
Source : AELF
L'évangile du dimanche correspond à un texte célèbre du Nouveau Testament. On l'appelle "le discours sur la montagne" ou "le sermon des béatitudes". L’évangile de ce dimanche, au début de l’évangile de Matthieu, raconte ce moment de la vie de Jésus où il a déjà fait quelques guérisons, où il a déjà appelé des disciples à le suivre. Et où "on commence à prêter attention à ce jeune rabbi", décrit Patrick Laudet. Jésus va délivrer "une sorte de charte de vie".
Les foules qui viennent écouter Jésus viennent de tous horizons. Au chapitre 4, il est dit en effet qu’elles viennent "de la Galilée, de la Décapole, de Jérusalem, de la Judée, et de l’autre côté du Jourdain" (Mt 4, 25). "C’est ça qui est vraiment merveilleux, décrit Patrick Laudet, on n’est pas dans le contexte juif habituel, il y a une espèce d’ouverture au monde qui se lit en filigrane."
Or, "Matthieu s’adresse aux juifs", précise le diacre. Quand il écrit ce texte, l'évangéliste a en tête la première alliance et les textes de ce que l’on appelle l’Ancien Testament. La montagne fait inévitablement penser au Sinaï, où Moïse a reçu les Dix commandements. Ici c'est une nouvelle ascension pour recevoir des paroles neuves : Jésus "est donné comme le nouveau Moïse", constate Patrick Laudet. Mais la toute-puissance de Dieu se déploie cette fois "dans une forme de douceur".
Dans ce texte, Jésus ne cesse de répéter : "heureux...". C'est la traduction française du terme grec makarios, que "les épicuriens utilisent pour parler de cet aménagement agréable de la vie". Or, "ce n'est pas ça les Béatitudes", prévient le diacre. Jésus ne nous donne pas de recette de bonheur, il partage "un soulèvement du cœur".
En réalité le mot utilisé par Jésus, qui ne parlait pas en grec, est intraduisible. "Il faudrait le traduire par plein de mots : soyez dans la joie, vous êtes dans l'humain, soyez bénis..." On est à l'opposé d'une promesse de petit bonheur tranquille, à contre-courant même de l'idée que l'on se fait généralement du bonheur. Le terme originel, le penseur André Chouraqui l'a traduit par "en marche". "Quand vous trouvez cette pauvreté de cœur, alors là vous êtes dans l'axe de la vie..."
Peu de nos contemporains connaissent les Évangiles. Ils n'y sont pas hostiles mais ils n'ont plus d'occasion d'y avoir accès. C'est partant de ce constat que, avec l'éclairage d'un bibliste, Béatrice Soltner propose chaque semaine un texte d'Évangile pour qu'il soit entendu (ou réentendu), pour en savourer la nouveauté et faire l'expérience que - si incroyable que ce soit à l'heure de l'instantanéité - cette parole écrite il y a plus de 2.000 ans nous rejoint toujours au plus profond.
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