Dans l'évangile de ce dimanche, on assiste à un gigantesque repas champêtre, où Jésus va nourrir une foule entière à partir de cinq pains et de deux poissons. La symbolique du pain offert gratuitement est centrale dans les évangiles. Elle renvoie à la manne des Hébreux, la nourriture tombée du ciel dans le Premier Testament. On pense aussi au sacrifice de Jésus offert en nourriture, que les chrétiens célèbrent à travers le rite de l’eucharistie.
Évangile du dimanche 28 juillet (Jn 6, 1-15)
Après cela, Jésus passa de l’autre côté de la mer de Galilée, le lac de Tibériade. Une grande foule le suivait, parce qu’elle avait vu les signes qu’il accomplissait sur les malades. Jésus gravit la montagne, et là, il était assis avec ses disciples.
Or, la Pâque, la fête des Juifs, était proche. Jésus leva les yeux et vit qu’une foule nombreuse venait à lui. Il dit à Philippe : « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? » Il disait cela pour le mettre à l’épreuve, car il savait bien, lui, ce qu’il allait faire. Philippe lui répondit : « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun reçoive un peu de pain. »
Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit : « Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! » Jésus dit : « Faites asseoir les gens. » Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit. Ils s’assirent donc, au nombre d’environ cinq mille hommes.
Alors Jésus prit les pains et, après avoir rendu grâce, il les distribua aux convives ; il leur donna aussi du poisson, autant qu’ils en voulaient. Quand ils eurent mangé à leur faim, il dit à ses disciples : « Rassemblez les morceaux en surplus, pour que rien ne se perde. » Ils les rassemblèrent, et ils remplirent douze paniers avec les morceaux des cinq pains d’orge, restés en surplus pour ceux qui prenaient cette nourriture.
À la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : « C’est vraiment lui le Prophète annoncé, celui qui vient dans le monde. » Mais Jésus savait qu’ils allaient venir l’enlever pour faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira dans la montagne, lui seul.
Source : AELF
L’évangile de Jean fourmille d’éléments symboliques. C’est le plus récent des évangiles, écrit le plus tardivement après la mort de Jésus. Il se présente comme une relecture a posteriori de la vie du Christ. Il délivre "une vision théologique", explique la bibliste Sandrine Caneri. C’est-à-dire "la manière dont Jean a perçu le mystère du Christ". Mystère qu'il veut essayer "de retranscrire avec ses mots à lui" et d’après "l’expérience qu’il a eue lui-même du Christ".
Auparavant, au chapitre 5, il y a eu la scène du miracle à la piscine de Béthesda, à Jérusalem, où Jésus a guéri un paralytique. On notera toutefois que l’évangéliste Jean ne parle jamais de miracle. Il préfère employer le mot "signe", "semeia" en grec.
Quelle différence entre signe et miracle ? Contrairement à un miracle qui cherche à convaincre, un signe s’adresse à "celui qui déjà a la foi, explique Sandrine Caneri, qui déjà a le cœur ouvert, et les oreilles ouvertes et les yeux ouverts".
Dans l’évangile de Jean, il y a toujours un sens spirituel derrière une dimension matérielle : par exemple, l’eau de la Samaritaine symbolise l’Esprit et renvoie à l’eau du baptême. Ou encore, l’eau changée en vin à Cana annonce l’eucharistie. Il en est de même dans l’évangile de ce dimanche, où le pain n’est pas simplement du pain. C’est "un symbole très profond", insiste la bibliste. "On débouche sur la vie de l’Église et la vie sacramentelle."
Comment toujours avec les textes bibliques, il ne faut donc pas s’en tenir à une lecture littérale. L’évangile de Jean a ceci de particulier qu’il a "tout un arrière-fond de liturgie". D’ailleurs, "là on n’est pas loin de la fête de Pâques, on suit un certain calendrier liturgique".
Après Jérusalem, Jésus gravit donc la montagne. Dans tous les évangiles, quand il est question de la montagne, cela renvoie au Sinaï, le lieu de la révélation divine, où a Dieu donné la Torah à son peuple. De même à la fin de cet évangile, il est question du "Prophète" : allusion directe à Moïse, le prophète du Premier Testament qui a reçu la Torah sur le Sinaï.
Ce n’est pas non plus un hasard si Jean dit que c’est la période de la Pâque - Pessah qui coïncide avec la fête des azymes. Pour la bibliste, c’est comme si Jean voulait qu’on fasse un lien entre la Pâque juive et le signe de la multiplication des pains. Comme si Jésus nous disait : "Essayez de comprendre ce que ça veut dire !" Et essayez de comprendre qui est Jésus…
Peu de nos contemporains connaissent les Évangiles. Ils n'y sont pas hostiles mais ils n'ont plus d'occasion d'y avoir accès. C'est partant de ce constat que, avec l'éclairage d'un bibliste, Béatrice Soltner propose chaque semaine un texte d'Évangile pour qu'il soit entendu (ou réentendu), pour en savourer la nouveauté et faire l'expérience que - si incroyable que ce soit à l'heure de l'instantanéité - cette parole écrite il y a plus de 2.000 ans nous rejoint toujours au plus profond.
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