Le pape Benoît XVI a marqué l'histoire de l'Église en renonçant à sa charge, il y a 10 ans, le 28 février 2013. Mais on a surtout salué, à sa mort, le 31 décembre dernier, l'apport considérable de ce pape théologien au dialogue entre foi et raison. En particulier, le successeur de Jean-Paul II a su montrer que la figure historique de Jésus de Nazareth n'est pas inconciliable avec celle du Christ fils de Dieu.
Joseph Ratzinger compte parmi "les grands théologiens catholiques du XXe siècle", selon le jésuite Michel Fédou, au même titre qu'Henri de Lubac, Karl Rahner, Yves Congar ou Hans Urs von Balthasar. À la mort de Benoît XVI, le 31 décembre 2022, on a salué l'apport considérable d'un pape théologien au dialogue entre foi et raison. Benoît XVI a, selon les observateurs, remis la figure du Christ au centre de la foi catholique.
Avant même d’être élu pape, le cardinal Ratzinger faisait le constat qu’un fossé s’était creusé entre la figure historique de Jésus et le Christ de la foi. En effet, si, "pendant des siècles on n’avait aucun doute sur tout ce qui était raconté dans les évangiles", observe le théologien Michel Fédou, à partir du XVIIe siècle, on a voulu se pencher sur la dimension historique des Écritures saintes. "On s’est dit qu’il fallait passer les récits évangéliques au crible de la critique historique exégétique pour arriver à voir ce qui devait être effectivement reconnu comme historique, comme remontant au Jésus de l’histoire et ce qui au contraire portait la marque d’une relecture ultérieure par les évangélistes eux-mêmes."
Au XIXe siècle, on a mené tous azimuts des recherches sur la vie au temps de Jésus, faisant appel aussi bien à l’histoire qu’à l’archéologie ou l’épigraphie. "On en est venu souvent à opposer au XXe siècle le Jésus de l’histoire et le Christ de la foi." Ce contexte permet de mieux saisir l’originalité de l’œuvre de Benoît XVI. "Des théologiens ont souligné que cette quête du Jésus de l’histoire ne permettait pas en particulier de faire droit à tout ce que la communauté chrétienne dit à propos de Jésus en tant que communauté croyante", explique Michel Fédou.
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Benoît XVI nous a laissé des ouvrages marquants sur Jésus. Quand en 2007 est paru son livre sobrement intitulé "Jésus de Nazareth" (aux éditions Flammarion) c’était la première fois qu’un pape publiait un texte à titre personnel – bien que signé Benoît XVI et non Joseph Ratzinger. Un premier tome relatant la vie de Jésus, du baptême à la Transfiguration mais qui se voulait être un témoignage de foi. En 2011, il a ensuite publié un tome 2, de l'entrée à Jérusalem à la Résurrection (éd. Le Rocher) et enfin un tome 3 sur "L’enfance de Jésus" en 2012. Des écrits par lesquels le successeur de Jean-Paul II tentait de savoir qui est Jésus.
Benoît XVI aurait-il vu un danger dans l’approche par trop historique de Jésus chez ses contemporains ? Il était "conscient du fait que pour un certain nombre de contemporains justement, ça ne va pas de soi, beaucoup ont du mal à reconnaître Jésus comme fils de Dieu" répond le théologien, qui a reçu le prix Ratzinger en 2022. "Ils reconnaissent volontiers dans le meilleur des cas comme un homme exceptionnel, extraordinaire mais de là à le reconnaître comme fils de Dieu c’est beaucoup plus difficile !"
Son ouvrage "Jésus de Nazareth" veut contribuer à réduire cet écart entre le Jésus de l’histoire et le Christ des croyants
Entre le Jésus de l’histoire et le Christ des croyants, le risque serait d’opposer les deux figures. La "conviction profonde" de Benoît XVI, nous dit Michel Fédou, "c’est que justement les évangiles nous donnent un témoignage globalement crédible au sujet de l’histoire de Jésus. Et que, en même temps, inséparablement, les évangélistes sont des hommes de foi qui ne font pas que raconter l’histoire de Jésus mais qui signent comme croyants cette histoire précisément en laissant entendre et en montrant que Jésus est Christ et Seigneur."
Là est l’apport essentiel de Benoît XVI. "Dans une large mesure son ouvrage Jésus de Nazareth veut contribuer à réduire cet écart [entre le Jésus de l’histoire et le Christ des croyants], et à montrer qu’il n’y a pas de contradiction, c’est vraiment très central dans son projet", insiste le jésuite. Benoît XVI invite les croyants à ne pas négliger la figure historique du Christ, qui s’est incarné dans l’histoire de l’humanité. Même s’il est "conscient du fait que certains chrétiens risquent aujourd’hui d’être ébranlés par le résultats de l’exégèse historico critique".
Plus encore, selon le jésuite, le pape allemand "rend attentif au risque d’une certaine contradiction entre les données de l’histoire et ce qui résulte de la confession de foi de la communauté chrétienne". Mais quand Benoît XVI dit : "Je fais confiance aux Évangiles", il faut l’entendre comme le propos d’un homme de foi capable de dialoguer avec la science.
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