30 janvier 2024
Le drame agricole
À en juger par la vaste mobilisation agricole qui se déroule sous nos yeux, il semble qu’il faille vivre désormais avec des épisodes réguliers de contestations spontanées et durables. Ajoutons que ces contestations prennent chaque fois un tour dramatique. Le décès d’une jeune femme et de sa fille, qui serre le cœur, vient l’attester. Cet accident fut peut-être fortuit, je n’en sais rien, mais la mort chez les agriculteurs, elle, n’est pas fortuite. Elle est quotidienne : chaque jour, deux agriculteurs mettent fin à leurs jours, ainsi que le relevait récemment la journaliste Laurence Ferrari. Chiffre affolant, traduisant le drame d’une corporation éreintée par le dysfonctionnement d’un système économique qui, s’il ne voulait
pas des agriculteurs, ne s’y prendrait pas autrement pour les faire disparaître. Ce système économique est littéralement subi par le monde agricole ; de manière symptomatique, un agriculteur révélait que lorsqu’il vend ses produits à l’industrie agro-alimentaire, c’est elle et non pas lui qui établit la facture. La plaie des marges engrangées par les industries
intermédiaires, avec la bénédiction de l’Union européenne et des Etats européens, aboutit au résultat que sur un caddie de courses de 100 €, 6 € seulement reviennent à l’agriculteur ; vraiment de quoi vous donner envie de recenser tous les petits producteurs du coin pour faire son marché en direct. Comment se fait-il que, dans un pays qui se vante de son autonomie alimentaire, avec raison, 94% du prix dépende d’autre chose que du produit lui- même ? Le système est d’autant plus vicieux que la volonté de le réformer n’appert nulle part. Autre exemple, qui a été l’un des déclencheurs de l’exaspération actuelle : le prix de
l’électricité. Nicolas Meilhan, ingénieur-conseil en énergie, constate que notre facture a augmenté de 45% entre 2021 et 2023 ; or, Monsieur Meilhan semble n’en pas revenir lui- même : le coût de production de l’électricité est demeuré le même au cours de cette période
(6 c. le KWh) ; et vous savez quoi ? Bruno Le Maire annonce encore une nouvelle flambée du coût en février, accusant Poutine. Est-ce une plaisanterie macabre ? De l’incompétence ?
Ou bien n’est-il pas temps d’ouvrir les yeux et de reconnaître une volonté de captation de la valeur ajoutée produite par les Français via des circuits financiers bien réels ? Chers amis, il me semble que notre sort est bel et bien lié à celui de nos valeureux agriculteurs.
Droits image: ©Gerd Altmann de Pixabay