19 septembre 2023
La Turquie, l'Europe et les autres
Chers amis, ne trouvez-vous pas que le monde change si vite qu’on ne sait plus où donner de la tête…
Tenez, il y a deux jours, j’apprenais qu’Erdogan, le chef d’Etat de la Turquie, projetait de prendre ses
distances avec l’Union européenne. Après l’Afrique qui décide de se dégager résolument de
l’influence française, c’est donc le tour de la Turquie. Arrêtons-nous donc sur cette proclamation
d’Erdogan qui marque un tournant dans les relations entre l’Europe supranationale et la Turquie. Au
cours de la construction européenne, au siècle dernier, la Turquie a manifesté très tôt son souhait de
rejoindre l’UE à l’époque où elle n’était encore qu’une union économique. Les premières
négociations avaient amené la Turquie à déposer sa candidature qui remonte à 1999. Aucun pays
n’est resté aussi longtemps dans les limbes de l’union politique avec l’Europe et cependant
l’attraction de la Turquie vers l’Europe ne s’était jamais démentie. Et aujourd’hui, Recep Erdogan
prend le risque de marcher soudain à rebours de l’histoire contemporaine. On pourrait penser qu’il
s’agit d’une manière de pression sur l’Europe, et c’est vrai que le Parlement européen vient
justement, dans un nouveau rapport, de décourager une nouvelle fois la perspective d’une adhésion
de la Turquie à moyenne échéance. Mais le fait est là : Erdogan s’est prononcé pour la première fois
depuis des décennies contre l’Europe. Et si l’a fait, on peut raisonnablement penser que c’est parce
que l’attraction européenne n’opère plus. On ne peut s’empêcher de penser, et là je déplace un peu
mon propos, que la guerre en Ukraine et l’épopée des BRICS sont passés par là. Les BRICS : ce groupe
intercontinental de nations post-émergentes qui vient d’accueillir six nouvelles nations de poids, lui
conférant un rayonnement subit et, dans certains domaines, une primauté stratégique (comme la
production de matières premières) ; par contrecoup, le soleil occidental incarné par le G7, pâlit. Pire
que cela, alors que les BRICS apparaissent comme l’incarnation d’un bloc multipolaire sans chef de
file autoproclamé, il apparaît assez nettement désormais que le G7, c’est d’abord, surtout et même
de plus en plus les Etats-Unis ; dans ces conditions, qu’en est-il de la souveraineté et du destin des
nations qui lui sont affiliées ? Décidément, les empires qui ne trouvent leur légitimité qu’en eux-
mêmes n’ont bien souvent que l’apparence de la puissance. « Le gouvernement de la terre, dit Ben
Sira, est dans la main du Seigneur qui, le moment venu, suscite l’homme providentiel. » Que Dieu
vous bénisse.
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