26 novembre 2021
Suicide des paysans: les raisons d'une tragédie
Un agriculteur se suicide tous les deux jours en France. Le chiffre fait frémir et il n’est en réalité pas un agriculteur expérimenté qui n’ait connu, de près ou de loin, un confrère qui se soit suicidé. Anne-Cécile Suzanne, agricultrice engagée dans l'Orne, revient sur cette spécificité rurale et ses origines.
C’est inacceptable, inadmissible. Mais que faire ?
Le rapport présenté par le Sénat en mars 2021 énonçait une série de recommandations, qui viennent en partie d’être reprises par le gouvernement autour de mesures fièrement annoncées. Elles reposent sur la détection, au plus tôt, des marqueurs du suicide agricole. Ainsi détecté, l’agriculteur pourra être soigné de sa misère morale. Mieux, il aura même droit à une aide au répit, une coupure de son exploitation ou à des « essais » de retour à la ferme, après un arrêt de travail notamment. Tout ceci aidera des agriculteurs, c’est certain et en cela il faut saluer l’initiative. Mais quand même, il y a fort à parier que ces mesures ne préviendront que trop peu le suicide des agriculteurs. La raison en est que l’agriculture, ce n’est pas uniquement un métier. C’est un mode de vie qu’on aime et qu’on choisit. Quand on se lève à quatre heures du matin pour faire naître un veau, quand on se couche à cette même heure pour finir la moisson, on le fait parce que c’est notre vie qui réside dans la beauté d’une naissance, d’une récolte et on l’aime ainsi. Notre métier on le vit et on aime notre vie.
Là où ça commence à dériver, c’est quand on n’arrive plus à nous projeter dans notre métier. Ici, l’agriculteur est en quête désespérée d’une vision, impulsée par l’Europe, l’Etat ou la région, une vision qui le rassure sur ce que le marché et la nation attendent de lui, sans contradiction, sans paradoxale injonction. La marche est énorme pour atteindre cette ambition, et la responsabilité collective. C’est en effet à nous tous, qui votons trois fois par jours, de choisir avec constance l’agriculture que nous voulons. Le responsable politique, l’administration publique suivront et le moral des agriculteurs aussi.
Droits image: Les mesures du gouvernement sont bonnes mais pas nécessaires. Il faut redonner du sens au métier pour A-C. Suzanne@stocklib.fr