1 avril 2022
Plaidoyer pour les petites villes
Vianney Lecointre, diacre du diocèse de Séez, nous invite à repenser l’aménagement du territoire, une notion qui n’est pas à la mode. Le terme lui-même a pratiquement disparu du débat public. Les enjeux sont pourtant essentiels pour le bien-vivre de nos contemporains. A titre d’illustration, je citerais cette interview, parue dans Ouest-France la semaine dernière, d’un jeune couple qui vient d’acheter une maison dans un des nombreux lotissements pavillonnaires de Saint- Sylvain à 20 kilomètres de Caen : ils se demandent s’ils auront les moyens de faire des enfants avec un prix du litre de carburant à 2 euros. Plutôt navrant, n’est-ce pas ?
Au cours des 30 dernières années, deux phénomènes concomitants nous ont mis dans cette situation.
D’abord, alors que la France se caractérisait par son réseau de villes petites ou moyennes, ces dernières ont été livrées à une concurrence territoriale acharnée, accentuée par la baisse spectaculaire de l’emploi industriel, qui a renforcé les métropoles régionales à leur détriment. Or ce sont aujourd’hui les habitants de périphéries de plus en plus lointaines, et non pas ceux des zones
rurales, qui sont les plus fragilisés par l’augmentation des prix du carburant.
Et, par ailleurs, deuxième phénomène, alors que l’espace français était structuré autour du système « villages, bourgs, villes », le développement anarchique de la grande distribution a contribué à dévitaliser les centres-villes, à affaiblir la cohésion sociale et à rendre les catégories populaires particulièrement dépendantes du triptyque maison-voiture-hypermarché 1 .
Bref, autant dire que nous avons eu tout faux. Il faut certes changer le modèle de fabrique de la ville, comme le suggère l’urbaniste nantais Sylvain Grisot, toujours dans Ouest-France : densifier la ville mais sans construire de grands ensembles standardisés qui ne sont pas faits pour durer ; améliorer les espaces publics, la végétation, rendre les sols plus perméables ; rendre leur autonomie aux habitants, et notamment enfants et personnes âgées, dans des villes qui ont jusque là été dessinées pour la voiture.
Mais je pense que nous ne devrions pas faire non plus l’économie d’une réflexion sur la répartition des activités. Les villes de 5.000 à 50.000 habitants présentent une taille idéale pour concentrer les services essentiels, tout en limitant les coûts d’infrastructure et en présentant des prix des logements acceptables pour les particuliers ! Il faut redynamiser cette catégorie de villes, dans le cadre d’une politique de décentralisation bien comprise pour qu’elles jouent à nouveau leur rôle.
Droits image: Les petites et moyennes villes concilient services essentiels, infrastructures et loyers accessibles@RGY23 Pixabay