La popularité du Rassemblement National grimpe en flèche comme en témoignent les résultats des élections européennes. Derrière cette réussite, une stratégie de Marine Le Pen, menée depuis quelques années pour dédiaboliser un parti au passé controversé. Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La Revue politique et parlementaire, professeur associé à la Sorbonne et auteur de "Aux portes du pouvoir - RN, l’inéluctable victoire ?" (éditions Robert Laffont), décrypte le succès du Rassemblement National.
La victoire de la liste de Jordan Bardella aux élections européennes et la dissolution de l’Assemblée nationale ont ébranlé la classe politique française. Les partis de gauche se sont rassemblés au sein du “Front populaire”, tandis qu’à droite, une alliance autour du RN motive certains, mais ne fait pas l’unanimité.
Pour Arnaud Benedetti, “un parti d’extrême droite remet en cause les institutions, la régie républicaine et cultive l’antisémitisme”. Historiquement, le Front national naît à l’initiative du groupuscule néofasciste "Ordre nouveau". Jean-Marie Le Pen prend le contrôle du parti au fur et à mesure des années. Depuis les condamnations de l’ancien président du parti, pour négationnisme et incitation à la haine raciale, le RN a fait évoluer son discours. "Marine Le Pen a arrondi les angles sur un certain nombre de sujets” explique le professeur de la Sorbonne.
Les racines d’extrême droite du RN sont une évidence, mais aujourd’hui, c’est un parti en mutation
Arnaud Benedetti remarque “un changement du rapport à l’histoire : Marine Le Pen prend ses distances avec son père, notamment sur sa vision de la Seconde Guerre mondiale. Lors d’un entretien au journal Le Point, elle condamne l’antisémitisme sans ambiguïté et traite l’occupation d’abomination”.
Une transition s’est également opérée sur les questions sociétales : “Le vieux FN avait une composante intégriste, réactionnaire, très hostile à l’avortement. Elle s’est dite favorable à l’avortement. Au moment de la loi pour le mariage pour tous, elle ne participe pas aux manifestations, contrairement aux élus LR”, explique le rédacteur en chef de La Revue politique et parlementaire. Enfin, le RN a connu récemment un revirement sur la question de l’Europe : “Après la catastrophe du débat de 2017, le RN abandonne le projet de sortie de l’Europe et de l’euro, pour adopter une ligne plus euro compatible, bien qu’ils demeurent très euro critiques".
“Le RN est un parti populiste, mais c’est plus compliqué de le définir comme un parti d’extrême droite” observe Arnaud Benedetti. Une grande partie des électeurs, et particulièrement les jeunes, ne considèrent pas le RN comme d’extrême droite. Marion Maréchal et Eric Ciotti ont manifesté le désir de rassembler leurs partis respectifs autour du RN. Marine le Pen se place pourtant dans une stratégie visant à dépasser le clivage droite gauche. La proposition du président des républicains vient du constat d’une porosité entre l’électorat RN et LR. Dans le contexte actuel, la droite républicaine est en difficulté. Si les socialistes et les républicains conservent localement du pouvoir, grâce aux élus et aux sénateurs, “nationalement, ils n’arrivent plus à performer”.
Fort de la dédiabolisation et de la normalisation du parti, le Rassemblement National a obtenu 30 sièges sur 81 aux élections européennes. Avec ou sans le reste de la droite à ses côtés, le RN est prêt à mener une campagne législative. Ses membres assurent avoir “un plan Matignon”. Lors d’une conférence de presse le 12 juin, Emmanuel Macron a déclaré que si le RN arrivait au pouvoir après les élections du 7 juillet, le programme porté par le parti coûterait 100 milliards d’euros à la France, ce qui représente déjà près de 30 % de la dette du pays.
Quant à la question de la capacité du RN, à gouverner, elle est d’une autre ampleur. Arnaud Benedetti considère que la bataille de la crédibilité a été menée par Marine Le Pen et Jordan Bardella, et qu’aujourd’hui, “battre le RN sur la question morale n’a plus l’efficience du passé”.
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