Semences : leur privatisation met en péril la sécurité alimentaire
En partenariat avec KAIZEN
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L’acronyme suscite autant l’espoir que la crainte. Les NGT, pour nouvelles techniques génomiques, font polémique depuis plusieurs mois. La semaine dernière, le Parlement européen a relancé le débat, en votant pour un assouplissement des réglementations pour les végétaux issus de ces techniques. Surnommées les « nouveaux OGM » par ses détracteurs, ces NGT pourraient aider les plantes à s’adapter au changement climatique, mais beaucoup pointent les limites et les risques d’une telle technologie…
Rendre des céréales plus résistantes à la sécheresse, des légumes moins sensibles aux maladies, voire empêcher les bananes de brunir… Voilà des exemples de ce que permettent les NGT, les nouvelles technologies génomiques. En deux mots, leur objectif est de transformer l’ADN des végétaux pour n’en tirer que le meilleur. Si le Parlement européen a autorisé les semences modifiées par NGT, c’est d’ailleurs « uniquement à condition qu’elles soient associées à une baisse des produits phytosanitaire, ou à un objectif ».
Cette modification des végétaux est permise par la technique « CripsR -Cas9 », un outil découvert par la Française Emmanuelle Charpentier et par l’Américaine Jennifer Doudna. Il s’agit de « ciseaux moléculaires » qui permettent aux scientifiques de cibler la séquence d’ADN défaillante et de l’éliminer ou de la modifier, avec une extrême précision. Une technique qui pourrait être aussi bien utilisée pour la santé humaine, que pour la biotechnologie végétale donc.
C’est justement parce qu’elles sont le fruit de modifications du génome, autrement dit de l’ADN, que certains scientifiques qualifient les NGT de « nouveaux OGM ». Mais les professionnels des biotechnologies végétales, eux, s’en défendent.
Pour Laurent Guerreiro, la différence avec la technique de la transgénèse utilisée pour les OGM, c’est « qu’on allait chercher une information génétique dans une espèce pour la remettre dans une espèce autre, et donc on introduisait un ADN qui n’était pas connu par le génome. Là avec les NGT, nous restons dans la barrière de l’espèce, donc on mime d’une certaine manière ce qu’il se passe dans la nature, suite à du croisement, à la reproduction sexuelle ».
Les NGT sont donc pour lui un « formidable outil » permettant un gain de temps, d’autant plus précieux face à l’accélération du changement climatique et aux nombreux défis qu’il pose.
Marteler que ce ne sont pas des OGMs sont aussi une manière aussi de contourner les interdictions soumises aux OGM. En effet, jusqu’à présent les NGT étaient soumises aux mêmes règles que les OGM et tombaient sous le coup des directives de 2001 interdisant leur utilisation et leur commercialisation dans l’Union Européenne.
Mais tous ne partagent pas cet engouement pour les NGT. « Le risque principal c’est qu’on s’engouffre dans un système qui renforce l’agriculture industrielle et qui diminue la diversité cultivée, donc augmente l’ensemble des impacts environnementaux négatifs de cette agriculture », estime Jérôme Enjalbert, généticien et directeur de recherche à l’Inrae, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.
Bénéfiques à court terme, les NGT pourraient être pernicieuses à long terme, selon certains chercheurs. « Un certain nombre de modifications ont été pointées comme potentiellement dangereuses pour l’environnement », affirme Jérôme Enjalbert, en citant l’exemple des "arbres mous" : des arbres dont le génome a été modifié pour faciliter la production de pâte à papier. Les éléments difficiles à nettoyer pour le ont été enlevés, mais « ce sont des constituants très importants pour la solidité du bois », précise-t-il. Conséquence, si ce type de modifications passent à l’état naturel et se croisent avec des espèces d’arbres naturels, « on pourrait polluer des forêts avec des OGM qui, in fine, pourrait les rendre plus sensibles aux tempêtes ou à des insectes qui dévorent le bois ».
Face à ces dangers, chercheurs et associations réfractaires aux NGT, appellent à multiplier les études, avant d’autoriser le recours à cette technique. Un rapport de l’ANSES à ce sujet est d’ailleurs attendu dans les jours qui viennent.
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