C'est un temps fort pour l'œcuménisme. Ce mercredi 10 mai, place Saint-Pierre, on a vu, lors de l'audience générale, deux papes côte à côte : Tawadros II aux côtés du pape François. Le chef de l'Église copte orthodoxe est en visite au Vatican, 50 ans après la reprise du dialogue entre coptes et catholiques. Les deux hommes partagent un même désir de dialogue.
C’est un moment œcuménique particulièrement fort. Ce mercredi 10 mai, le pape François a reçu solennellement Tawadros II, le chef des chrétiens d’Égypte, place Saint-Pierre, lors de l'audience générale. Une date qui n'a pas été choisie au hasard. Il y a 50 ans, le 10 mai 1973 était marqué par une rencontre historique entre Paul VI et Chenouda III. Rencontre qui mettait fin à 1.500 ans de séparation entre les catholiques de Rome et les chrétiens d’Égypte. Entre François et Tawadros II, une même envie de dialogue, parfois mal comprise par certains fidèles dans un contexte de persécution et de crispation identitaire.
C’est la troisième fois que François et Tawadros II se retrouvent. Des rencontres qui font avancer le dialogue entre les confessions chrétiennes. Les deux hommes, qui partagent la même vision de l’œcuménisme, avaient signé en avril 2017 au Caire une déclaration commune. Ils y exprimaient leur volonté "d’intensifier leurs efforts communs afin de persévérer dans la recherche d’une unité visible dans la diversité, sous la conduite de l’Esprit saint".
Faire avancer le dialogue entre catholiques de Rome et chrétiens d’Égypte, cela passe aussi par des gestes. Les deux Églises travaillent ainsi sur une date commune pour célébrer Pâques. Date à laquelle il pourrait y avoir "une bénédiction commune à partir du balcon de Saint-Pierre" ou "une récitation commune du Notre-Père", avance Jean-François Colosimo, spécialiste de l'orthodoxie et directeur des éditions du Cerf. En revanche, il ne pourrait y avoir de concélébration eucharistique "parce que nous ne sommes pas dans l’unité"...
"L’unité, précise Jean-François Colosimo, elle ne se calcule pas, elle se découvre dans de tels gestes que pourraient initier les deux papes de Rome et d’Alexandrie." C’est donc un symbole fort que l’on peut voir dans la messe que doit célébrer ce dimanche 14 mai, le patriarche Tawadros dans la basilique Saint-Jean-de-Latran.
"Le pape des coptes reçu comme un frère par le pape de Rome, bien sûr que ça renforcera la position de Tawadros", explique Jean-François Colosimo. Sur le plan international, cette visite va donner "un écho universel" aux coptes. Mais un trop grand rapprochement avec les catholiques pourrait aussi nuire à Tawadros II. Le chef de l’Église copte orthodoxe "a à faire chez lui en Égypte, à une frange assez fondamentaliste, assez intégriste, très identitaire qui verrait de tels gestes d’un très mauvais œil et s’en servirait pour contester son autorité", observe le spécialiste.
Le prédécesseur de Tawadros II, Chenouda III, "avait amené les coptes vers une forme de communautarisme" dans une logique de "rivalité mimétique avec les Frères musulmans", nous rappelle Jean-François Colosimo. Ce qui s’est traduit par "un fort accent sur l’identité ethnique et culturelle doublant l’identité confessionnelle". À l’inverse, Tawadros s’inscrit, lui "dans une démarche œcuménique". Jean-François Colosimo décrit un homme "en lien fort avec la modernité". Pour lui, "les coptes sont avant tout des citoyens égyptiens engagés dans la vie de la cité". Et on retrouve chez le pape d’Alexandrie, une posture proche de "la conception que se fait le pape François de l’avenir du christianisme à l’horizon de la mondialisation".
Les coptes sont une grande Église, une Église historique, une Église d’immenses traditions et une Église de trésors spirituels
Les coptes, communauté ethno-religieuse d’Afrique du Nord, représentent la plus grande communauté chrétienne du Moyen-Orient. L’immense majorité appartient à l’Église copte orthodoxe et vit en Égypte, où elle compte pour 10% de la population. Ces héritiers de saint Marc y sont implantés depuis le premier siècle. Une histoire marquée par le rayonnement de saint Antoine le Grand, père du monachisme chrétien. Les coptes "sont une grande Église, une Église historique, une Église d’immenses traditions et une Église de trésors spirituels", souligne Jean-François Colosimo.
Les coptes sont en Égypte la cible régulière de discriminations et d’attentats de la part de fondamentalistes musulmans. Aussi comprennent-ils parfois difficilement l’engagement du pape François en faveur du dialogue islamo-chrétien. "Ce dialogue avec l’islam peut parfois être mal compris par les communautés chrétiennes orientales qui, elles, se sentent prises sous le rouleau compresseur d’une islamisation croissante."
Toutefois, les coptes pourraient bénéficier de ce dialogue entre musulmans et catholiques. En 2019, le pape François et le grand imam d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayyeb, ont signé une déclaration commune "sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune". Le centre théologique d’Al-Azhar, qui draine des musulmans de toute l’Afrique et de tout le Proche-Orient, et qui est situé au Caire... "Al-Azhar c’est l’Égypte, insiste Jean-François Colosimo, Al-Azhar travaille aussi avec la présidence égyptienne pour essayer d’atténuer tout cet héritage de conflit pervers et criminel."
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