De retour du Festival de Cannes, Valérie de Marnhac débriefe cette édition 2024 et sa Palme d’or attribuée à Anora de Sean Baker, et décrypte le succès d'Un p'tit truc en plus d'Artus.
C’est une année marquée par une très belle section ‘Un Certain regard’, avec huit premiers films et de vraies découvertes comme la jeune française Louise Courvoisier. Son film Vingt Dieux dépeint la jeunesse rurale du Jura avec beaucoup de fraîcheur et des jeunes acteurs non-professionnels formidables ! Et aussi un somptueux film somalien de Mo Harawe, The Village next to paradise, une belle relation père-fils et la bouille merveilleuse du tout jeune Cigaal qui illumine l’écran !
Pour la Compétition officielle, je suis totalement en phase avec les choix du grand jury présidé par Greta Gerwig, la réalisatrice de Barbie. Hormis le ‘prix de meilleur acteur’ que j’aurais volontiers décerné à Sebastian Stan pour son rôle sidérant de Donald Trump junior dans The Apprentice, d’Ali Abassi.
Quant à Anora qui a reçu la Palme d’or, il m’a renversée ! Je l’ai vu comme un parcours de rédemption d’une jeune travailleuse du sexe, comme les appelle le réalisateur. Une dénomination moins connotée que le mot de ‘prostituée’ et une manière pour Sean Baker de leur redonner leur dignité. Ou comment la jeune Ani, stripteaseuse new-yorkaise, va renaître à elle-même à travers le regard d’un homme enfin aimant et respectueux posé sur elle.
Pas encore de date connue pour la sortie en salles de Anora.
En moins de quatre semaines, il a devancé les super-productions Dune 2 et Kung Fu Panda 4, en bénéficiant d’un bouche à oreille incroyable, avec une fréquentation en deuxième semaine supérieure à la première ; c’est rarissime !
A quoi ça tient ? C’est un film bon enfant, joyeux, lumineux, un film de troupe, qui a des vrais accents d’authenticité et de sincérité et un scénario simple : pour échapper à la police, deux braqueurs de bijouterie, père et fils, se réfugient dans une colonie de vacances pour personnes avec handicap mental, en se faisant passer pour un éducateur et son jeune protégé.
Pas gagné au départ ! Un premier film de la part d’Artus, plus connu pour ses one-man shows au théâtre. Il a eu du mal à boucler le financement en amont, le projet faisait peur.
Faire tourner 11 personnes porteuses de handicap dans une comédie, c’était une gageure ! Le résultat est là : on sent qu'ils prennent tous un plaisir évident ensemble. Artus le dit : "On ne rit pas d’eux, on rit avec eux." Ils ont chacun leur personnalité et elle a été très bien intégrée au scénario.
C’est une tendance de plus en plus présente dans le cinéma français : on parle de "films à impact" et il y a même des producteurs qui se sont spécialisés sur cette approche, comme Echo-studio ou Mandalafilms, qui cherchent à mettre en avant un cinéma aux valeurs dites ‘humanistes’.
Des valeurs qui font aussi partie des critères du Jury œcuménique, avec peut être "Un p’tit truc en plus" pour les films primés par ce jury, c’est d’ouvrir à la dimension spirituelle ou religieuse de la vie.
Il s’agit du film iranien les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof. Le jury a, je cite, "été sensible à sa richesse symbolique, son dénouement généreux et porteur d’une note d’espoir, (…) Sa subtilité (…) qui en font une métaphore de toute théocratie autoritaire."
À voir en salles dès maintenant Un P’tit truc en plus d’Artus, et bientôt on espère la Palme d’or Anora de Sean Baker, et Les Graines du figuier sauvage, Prix œcuménique au Festival de Cannes 2024.
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