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Entretien : comment Emmanuel Macron garde la main sur la nomination du futur Premier ministre

Un article rédigé par Suzanne Marion et Baptiste Madinier - RCF, le 15 août 2024 - Modifié le 17 août 2024

Après la trêve voulue par Emmanuel Macron aux Jeux olympiques, l'activité politique reprend et les différents prétendants à Matignon continus de placer leurs pions. Le chef de l'État se donne encore du temps en tentant de rester fidèle au cap qu'il a imposé le 10 juillet dernier : un esprit de rassemblement. Un moyen de garder le contrôle du processus. 

Emmanuel Macron au palais présidentiel de l'Elysée, le 26 juillet 2024. / Photo :  Xose Bouzas by HansLucasEmmanuel Macron au palais présidentiel de l'Elysée, le 26 juillet 2024. / Photo :  Xose Bouzas by HansLucas

La France est dirigée par un gouvernement démissionnaire depuis un mois. Après l’échec des élections législatives anticipées, Gabriel Attal a remis sa démission à Emmanuel Macron le 16 juillet dernier. Il s’occupe depuis des affaires courantes. Le chef de l’Etat a déclaré une trêve politique pendant les Jeux olympiques. Un vernis en trompe-l'œil qui se craquèle de plus en plus depuis la cérémonie de clôture de Paris 2024.

Édouard Philippe (Horizons), Gabriel Attal (Renaissance) et son ministre Stéphane Séjourné se sont fendus d’un courrier aux élus pour tenter de rassembler. Même chose au Nouveau Front populaire pour Lucie Castets qui tente toujours de s’imposer auprès du chef de l’Etat. Mais entre ses vacances à Brégançon et la séquence mémorielle du débarquement de Provence, Emmanuel Macron repousse sa décision. Jusqu’à quand ? Éléments de réponses avec le politologue Bruno Cautrès, chercheur CNRS au CEVIPOF et enseignant à Sciences Po

Les Jeux olympiques étant terminés, Emmanuel Macron peut-il encore attendre longtemps avant de choisir ?

Je pense qu'il peut encore attendre quelques petites semaines dans la mesure où les différentes formations politiques, y compris Lucie Castets, ont adressé des courriers aux autres groupes parlementaires, à l'exception du Rassemblement National et/ou de la France Insoumise. Ces mêmes responsables politiques ne peuvent pas envoyer des courriers pour discuter avec les autres et en même temps dire trois jours plus tard que tout doit être réglé rapidement.

Si on échange des courriers pour entamer des discussions, ça prend quand même un peu de temps. Donc, de ce point de vue-là, le chef de l'État va sans aucun doute dire qu'il laisse aller les discussions et les démarches entre les responsables politiques. Après, le chef de l'État, ne pas attendre jusqu'à la mi-septembre. Donc, je pense que quelque part, entre la fin août et le début septembre, il devra avoir fait son choix.

Après ce semblant de trêve politique, quelle lecture faites-vous de cette valse de missive adressée par des leaders politiques de tout bord aux élus ?

Je pense qu'il s'agit pour les différents auteurs de ces courriers de prendre date et de montrer qu'ils s'inscrivent dans la tonalité d'aujourd'hui, c'est-à-dire un parlement sans majorité absolue et sans majorité relative écrasante de l'un des camps. Ces signes sont une sorte de gage pour montrer qu'ils sont éligibles pour aller à Matignon.

Un accord programmatique entre des formations politiques réunissant la gauche et la droite, paraît, pour le moment, assez peu probable.

Dans la mesure où le chef de l'État a cadré très fortement les choses avec un courrier du 10 juillet à la presse quotidienne régionale, dans lequel il disait aux formations politique qu'il fallait un gouvernement stable, dépasser les frontières partisanes, cela signifie que l'une des conditions absolument fondamentale pour être éligible à Matignon, c'est de montrer qu'on veut tendre la main aux autres, qu'on appelle à rencontrer les autres, à travailler avec les autres, à voir sur quel point il peut y avoir ou des convergences ou des ralliements.

Donc, chacun se positionne et donne ses priorités. Est-ce que cela pourrait vraiment déboucher sur une grande coalition ?

C'est une chose d'envoyer des courriers, c'est autre chose d'arriver à former une grande coalition entre différentes formations politiques à l'Allemande. Cela me paraît être un scénario assez peu probable. Il est possible qu'on ait peut-être des personnalités qui individuellement décident de rejoindre les rangs d'un gouvernement d'ouverture d'unité nationale. Pourquoi pas. Mais un gouvernement issu d'un réel accord programmatique entre le Parti socialiste, les Républicains, le Modem, le Parti renaissance me paraît moins probable. Le Parti, socialiste, par exemple, est assez fortement attaché à son appartenance au Nouveau Front populaire.

De plus, lorsqu'on lit les courriers, on s'aperçoit que tout le monde parle de la même chose : le pouvoir d'achat et les services publics. Mais cela ne veut pas dire grand-chose. Évidemment, tout le monde veut du pouvoir d'achat et un service public de qualité. Mais qu'est-ce que ça veut dire concrètement en termes de hiérarchie de l'action publique ? En termes de politique budgétaire ? On se doute bien que sur le paramétrage technique, empirique, pratique de ce que veut dire du pouvoir d'achat et des services publics de qualité, le Nouveau Front populaire, Gabriel Attal ou Horizon n'ont pas les mêmes approches.

Visite de Lucie Castets, candidate au poste de premier ministre pour le Nouveau Front Populaire, sur le site de l'usine Duralex à La-Chapelle-St-Mesmin, le 31 Juillet 2024 / Photo : Romain Gautier by Hans Lucas

Autre élément de différenciation très important dans ces courriers : tant Horizon que Gabriel Attal mettent avant la question de la sécurité qui n'est pas présente dans les priorités affichées par Lucie Castets. D'autre part, tant Gabriel Attal qu'Édouard Philippe évoquent assez nettement la question du rétablissement des comptes publics, alors que du côté du Nouveau Front populaire, on parle de fiscalité. Ce n'est pas du tout la même approche. Il y a des éléments de différenciation qui sont quand même extrêmement forts et qui rendent un accord programmatique entre des formations politiques réunissant la gauche et la droite, pour le moment, assez peu probable.

Dispose-t-on d'indice pour déceler un profil type de Premier ministre que pourrait choisir Emmanuel Macron ?

Je pense que le chef d'État a sans doute déjà ses idées, mais c'est un pragmatique donc, il attend aussi de voir ce que donnent ces fameuses discussions. Le jour venu, il pourra appuyer son raisonnement en disant qu'il a écouté ce que les responsables politiques se sont dit.

Ensuite, d'un point de vue général, le futur Premier ministre sera forcément une personnalité politique qui connaît bien la vie politique, qui connaît bien la vie parlementaire et qui a une vraie capacité à aller faire du go-between et à aller convaincre sûr tel ou tel texte, sûr telle ou telle mesure, des parlementaires d'autres groupes politiques, de voter telle ou telle mesure.

Emmanuel Macron, Macron, peut continuer à ignorer le Nouveau Front populaire et la proposition Lucie Castets ?

Tout va dépendre des suites de ces fameuses lettres qui ont été échangées. Est-ce que le Nouveau Front populaire va rester sur l'idée d'imposer son programme et tenter d'aller convaincre d'autres groupes politiques de voter ? Où est-ce que cela se rapproche davantage du cahier des charges du chef de l'État en cherchant des points de convergence ? Ce n'est pas du tout la même approche. Si le Nouveau Front populaire reste sur l'idée de défendre son programme et de convaincre sûr telle ou telle mesure d'autres groupes politiques, le chef de l'État va répondre que ce n'est pas ce qu'il a demandé. 

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