LE POINT DE VUE DE CLOTHILDE BROSSOLLET - C'était il y a une semaine : La décision surprise d'Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée. Clotilde Brossollet revient sur la lourde actualité politique en ce début de cette courte campagne pour les élections législatives.
Depuis dimanche dernier et l’annonce des résultats aux élections européennes et celle de la dissolution, le spectacle que le monde politique a donné à voir est sidérant. Ce vent de folie qui a soufflé n’a que confirmé aux électeurs la déconnexion totale de ses élites politiques avec ses attentes.
Alors que le taux d’abstention de 48, 5 % signait la plus forte participation à des élections européennes depuis 30 ans, alors que les électeurs avaient, en majorité, joué le jeu démocratique pour exprimer leur mécontentement, nos politiques ont semblé être restés sourds et même avoir perdu toute raison. Le paroxysme de cette démence généralisée a eu lieu mercredi avec la conférence de presse d’un président, se prenant pour le maître du temps et refusant de se remettre en cause, avec une droite déchirée sur son positionnement et jouant à la bataille pour savoir qui devait être le maître des clefs, et une gauche qui annonçait sa survie à n’importe quel prix et en particulier celui de son histoire dreyfusarde. L’électeur ne peut qu’être conforté dans sa colère et son rejet du pouvoir en place.
La dissolution n’a perturbé la vie politique française que parce qu’elle a accéléré la fin d’une longue séquence de plus de 40 ans. Déjà le passage du septennat au quinquennat avait profondément perturbé le jeu des institutions en alignant totalement les élections législatives sur les élections présidentielles. Motivée par le refus de la cohabitation, cette réforme constitutionnelle a réduit l’Assemblée nationale à une simple chambre d’enregistrement des décisions présidentielles, tuant le dialogue nécessaire, même si difficile parfois, que l’esprit de la Ve imposait entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif. La fin du cumul des mandats — dans la réalité, du cumul de certains mandats —a creusé fortement la déconnexion entre les députés et le pays. Les députés, ne pouvant plus exercer une fonction exécutive locale, ont perdu leur possible enracinement dans la réalité de leurs concitoyens. Ils n’ont plus l’occasion de regarder les électeurs à hauteur d’homme.
L’hyper-centre d’Emmanuel Macron a profondément aggravé la crise démocratique qui pointait. L’émergence d’une force politique de l’hyper-centre, dès 2017, a mis un terme à un mode de gouvernement bipartite avec alternance de ces deux grandes forces politiques. Tandis que le premier mandat condamnait à mort la gauche de gouvernement, le second achevait la droite de gouvernement en moins de deux ans. À partir du moment où la force centriste se présente comme étant le seul et unique camp de la raison et où elle cherche à absorber toute force politique raisonnable, elle se constitue une opposition nécessairement radicale et extrême. Dans un pays dont ni la tradition ni les institutions envisagent des majorités de coalition, l’hyper-centre ne peut résister à la tentation de la toute-puissance et efface ainsi tout espace politique sur ses bords. Les forces politiques traditionnelles modérées, de gauche comme de droite, sont donc condamnées à disparaître par absorption par l’hyper-centre ou sont tentées de survivre dans des alliances avec leurs propres extrêmes. La dissolution n’a provoqué aucune nouvelle séquence politique, elle n’a fait qu’accélérer la fin de la période politique de ces quarante dernières années. Cette accélération a contraint le monde politique à prendre acte de la fin de cette ère qui l’avait vu naître.
L’hystérisation de la vie politique de ces derniers jours réside tout simplement dans le refus des partis politiques de mourir. Il faut relire la Note sur la suppression générale des partis politiques de la philosophe Simone Weil. Dans ce texte paru, en 1950, elle explique que la finalité des partis politiques est « sa propre croissance, et cela, sans aucune limite ». Pour le dire simplement, le but premier d’un parti politique est sa propre survie, au mépris même de la vérité et de la justice, ce qui le rend totalitaire… Le spectacle de ces derniers jours n’aura pas donné tort à la philosophe qui préconisait leur suppression…
Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
- Le mardi : Corinne Bitaud, agronome et théologienne protestante, et Marie-Hélène Lafage, consultante en transition écologique auprès des collectivités territoriales ;
- Le mercredi : Clotilde Brossollet, éditrice, et Pierre Durieux, essayiste ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne ; Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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